Bac 2024 : sujets corrigés de l'épreuve de Spécialité HLP 🎓

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Voici des éléments de réponses possibles pour les sujets proposés.

Sujet 1 : Quelles violences ce poème dit-il ?

La question demandait à interroger la notion même de violence, en partant du texte d’Aragon. On réduit souvent la violence à sa dimension physique, mais le poème d’Aragon aborde ce thème en l’absence de tout combat : il ne fait que décrire l’arrivée de soldats dans un village. Si les violences physiques sont présentes, à travers la description physique des soldats, ce sont surtout les violences psychologiques et sociales qui sont mises en avant.

I-              Les éléments de la violence psychologique

On pouvait d’abord souligner tout ce qui, dans la description des soldats, mettait en avant, par des indices, la violence psychologique qu’ils endurent :

a)     Éléments qui impliquent une perte d’individualité : perte de la voix, de l’« expression ». On pouvait également commenter l’expression paradoxale d’une voix enrouée « à force de se taire » : les soldats n’ont pas le droit ni la possibilité de s’exprimer, ce qui leur fait perdre leur timbre propre de la voix, signe de leur personne.

b)    Mais aussi une perte d’humanité, cf. la comparaison aussi bien avec des animaux (« comme des mouches », « les coiffes conféraient aux prés un air de foire »), qu’avec des objets inanimés (« cette terre a le crâne dure »). La perte d’humanité éclate sous une forme négative au vers 3 : « Je ne savais pas qu’on pût traiter ainsi des êtres humains »).

c)     Il y a un parallèle constant dans le poème entre le physique et le moral, à travers notamment des zeugma syntaxiques (« chargés de poussière et d’humiliation », « Couleurs des murs longés les yeux gris », « les pieds et la mémoire en sang » ).

d)    La violence passe ici largement par une perte de liberté et par le caractère absurde de l’existence (cf. « prisonniers », v. 32 ; « Et sans savoir où ils allaient ils ont marché marché marché »). On devait commenter l’usage des répétitions et l’absence de ponctuation qui traduisaient la perte de conscience réflexive et l’abrutissement lié aux conditions de guerre dans les tranchées.

e)     Enfin, la guerre est ici largement intériorisée : si le champ de bataille est physiquement éloigné, il est encore présent dans les mémoires et dans les corps (« ils ont la tête qui retentit toujours des tirs de barrage »).

II-            La violence sociale

a)     Le texte se présente comme une scène : il met en abyme la présence de spectateurs internes qui regardent, comme du bétail ou comme une suite de prisonniers, ceux qui reviennent de la guerre.

b)    Ces soldats sont exclus du monde social où ils reviennent : « Et trop de poux qu’on leur permette de dormir dans le fourrage ». On pouvait commenter ce verbe et ce « on » qui signalait ici l’instance sociale, qui fixe des normes.

c)     Les fermiers regardent ces soldats d’un point de vue strictement utilitaire, après les morts causés par la guerre : « Des fermiers tâtent leurs mollets pour voir si c’est du bon bétail ». Il fallait commenter l’usage du discours indirect libre, qui permettait d’expliciter le discours social et mental : « On a des morts dans la commune on les remplacera comment ». Pour ces paysans, tout être humain est devenu interchangeable et n’est considéré que dans la mesure où il peut contribuer aux travaux de la terre.

d)    À l’inverse, le monde reste, pour les soldats, très abstrait, comme vidé de toute familiarité : les habitations n’ont pas de porte et les distances sont réduites à leur objectivité (v. 24, avec la formule restrictive : « Ce pays qui n’a que des bornes kilométriques pour eux »).

En conclusion, on pouvait insister sur la nature très spécifique de la violence décrite dans ce poème : violence qui n’est pas tant physique, hormis la « fatigue », mais mentale et sociale. Les soldats souffrent intérieurement non seulement des épreuves qu’ils ont vécues, qui ont détruit pour eux le sens de la vie et de la personnalité, mais aussi du regard, objectivant et dépersonnalisant, qu’on porte sur eux. Il fallait insister sur le contraste entre le « malheur » de ces soldats, leur pas répétitif, et le mouvement enjoué, sans rapport avec la guerre, des individus qui les entourent.

Sujet 2 : Peut-on perdre son humanité ?

La question pose, à partir du cas présenté dans le poème d’Aragon, le problème de la déshumanisation. Le poème d’Aragon décrit l’état d’hommes qui semblent avoir perdu leur humanité, c’est-à-dire leur qualité morale d’êtres personnels et individuels, qui s’orientent par rapport au sens qu’ils donnent à leur existence.

L’humanité semble être une propriété essentielle des êtres humains : on ne peut pas perdre cette propriété sans cesser d’exister. Mais l’humanité ne désigne pas qu’une condition biologique, ou l’appartenance à une espèce. C’est aussi une notion morale, qui suppose un certain rapport à l’existence. Il ne suffit pas d’être un humain, il faut encore exister comme humain, ce qui implique une série de conditions : la liberté, le droit à l’existence comme personne autonome, ou encore le droit à faire partie d’une communauté sociale d’êtres humains. Mais même dans des situations d’abrutissement ou d’asservissement extrême, faut-il dire qu’on perd son humanité ? Celle-ci ne demeure-t-elle pas à titre de potentialité, comme une capacité morale à se ressaisir ?

On pouvait enfin interroger le « on » du sujet : non seulement on peut perdre son humanité parce qu’on est déshumanisé, comme dans le cas du poème d’Aragon « Classe 17 », mais on peut la perdre en tant que sujet moral, lorsqu’on n’accomplit plus des actes qui sont ceux d’un être humain, au sens moral.

On pouvait résumer ainsi la problématique : Si l’humanité constitue une propriété essentielle aux êtres humains, comment est-il possible qu’un être humain perde ce qui le définit en propre ?

I-              Il est possible de perdre son humanité, car il est possible de perdre les possibilités effectives d’exercer sa liberté

On pouvait d’abord interroger ce qui fait l’humanité morale et les conditions dans lesquelles on peut la perdre :

a)     L’être humain est un agent moral autonome, défini par une certaine liberté et une certaine personnalité originale.

b)    Mais cette liberté peut être réduite parce que l’agent est placé dans des conditions extrêmes qui l’empêchent de s’en servir (voir l’analyse de l’aliénation chez Marx ou Simone Weil).

c)     Ces conditions n’atteignent pas simplement la liberté physique, mais aussi la liberté morale et sociale, c'est-à-dire l’idée d’un développement complet et libre de l’être humain. On pouvait s’appuyer aussi bien sur les violations à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que sur l'idée développée par John Stuart Mill, selon laquelle il était nécessaire de permettre à chaque individu de développer son idéal de vie humaine, dans le respect d’autrui. On pouvait aussi s’appuyer sur des exemples littéraires, comme La Condition humaine d’André Malraux.

Même dans ces différents cas, pourtant, la liberté demeure une capacité, restreinte certes, mais qui ne disparaît pas tout à fait. En ce sens, la perte de l’humanité doit être conçue plus comme un rétrécissement de l’humanité que comme sa complète annihilation.

II-            Il n’est pas possible de perdre son humanité, comme disposition fondamentale à produire des normes et des actes moraux

a)     L’humanité peut être conçue moins en termes d’essence, que de capacité (cf. l’analyse de Pic de la Mirandole, ou de Kant).

b)    En ce sens, elle peut être non effective, mais toujours être conservée par l’individu.

c)     Cette conservation de l’humanité en puissance permet d’expliquer qu’un être, dont l’humanité a été fortement rétrécie, recouvre les moyens de l’exprimer. On peut travailler ici la difficulté de la réinsertion des victimes des camps nazis, tout en en soulignant la possibilité.

Reste qu’il est possible de perdre son humanité, c’est-à-dire de cesser, volontairement, d’être humain, c’est-à-dire de se refuser à agir en tant qu’être moral et autonome. Kant explique même qu’on peut subordonner la loi morale au respect d’un principe subjectif : choisir de ne pas être pleinement et simplement un être humain moral.

III-          L’accomplissement du mal, une perte d’humanité ?

a)     Le mal constitue un cas-limite pour le sujet : il manifeste qu’il est possible de perdre son humanité, c’est-à-dire sa qualité d’être bon, mais il souligne en même temps que cela n’est possible que pour un être capable d’être moral. Il était utile d’examiner un exemple précis. On pouvait aussi examiner l’analyse d’Hannah Arendt.

b)    Il est possible de refuser de se servir de sa liberté, cf. Sartre et l’analyse de la mauvaise foi.

      En conclusion, on pouvait distinguer plusieurs sens du terme d’humanité :

a)     Il y a le fait d’être un être humain, au sens biologique d’espèce : on ne peut perdre cette qualité sans cesser d’exister.

b)    Il y a le fait d’être un être humain c’est-à-dire un être libre, autonome, capable d’exprimer son individualité dans une société : cette capacité peut être restreinte par certaines conditions de vie objectives.

c)     Il y a le fait d’être un être humain c’est-à-dire un être rationnel capable d’actes moraux : il ne semble pas possible de perdre cette capacité, car c’est elle qui donne son sens à l’idée de responsabilité.

d)    Il y a le fait d’être un être humain, c’est-à-dire un être effectivement moral, qui accomplit des actes moraux. Il semble que cette vertu en acte ne soit pas nécessairement partagée et qu’on puisse se détourner de cette qualité propre.

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