Si jouer est généralement une source intense de joie, ce plaisir immédiat peut, dans certains cas, devenir obsessionnel. Comme le dit le slogan de prévention « Jouer comporte des risques », c’est-à-dire entraîner l’isolement, l’addiction, la désocialisation, le manque de sommeil, l’endettement…
Dans son essai, Zeropolis, Bruce Bégout décline de courts textes nous mettant en garde contre l’exploitation de l’instant jouissif se répétant à chaque fois que les roulettes des bandits manchots tournent. À grands renforts de lumières et de paillettes, Las Vegas a transformé le plaisir du jeu en produit de consommation.
Toujours dans le cadre des casinos, Hors d’atteinte d’Emmanuel Carrère, publié en 1989, raconte la soudaine obsession de Frédérique, professeur de collège, pour la roulette. Elle aime revivre le vertige des instants qui précédent le verdict au point de renoncer à décider et remettre sa vie entière au hasard du jeu.
Récemment, la mini-série américaine, Le Jeu de la dame, créée par Scott Frank et Allan Scott, a rencontré un succès phénoménal sur Netflix. Dans l’Amérique des années 50, une jeune orpheline, Elizabeth Harmon, interprétée par Anya Taylor-Joy se révèle être un prodige aux échecs. Entre ses 8 et 22 ans, nous suivons l’évolution de cette jeune fille qui se hisse jusqu’aux tables de tournois mondiaux malgré ses addictions aux jeux, à l’alcool et aux tranquillisants.
Dans Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig, publié à titre posthume en 1943, le narrateur, un aristocrate autrichien, narre la rencontre lors d’une traversée en paquebot de Mirko Czentovic, champion mondial d’échecs, et d’un autre autrichien se révélant un redoutable adversaire au point de déstabiliser Czentovic. Son histoire est stupéfiante : retenu par les nazis dans une chambre d’hôtel sans aucune occupation pendant des mois, il survit à la pression psychologie et l’effondrement mental grâce à l’apprentissage en secret des échecs. Dans l’attente d’un interrogatoire avec la Gestapo, il avait réussi à dérober une méthode d’apprentissage. À force de jouer avec lui-même, l’inconnu plonge dans la schizophrénie. Après une violente crise, il est relâché, passant pour fou. Le médecin qui l’avait soigné lui avait pourtant bien recommandé de ne plus jamais toucher un échiquier. Or, sur ce paquebot, une vingtaine d’années après, il ne peut résister à rencontrer une fois de trop le plus grand joueur du monde.