Le jeu s’inscrit aussi bien dans le développement individuel de l’enfant que dans la construction sociale et collective. En effet, au-delà des compétences développées autour du vivre ensemble – attendre son tour, ne pas tricher, respecter les règles ainsi que les autres joueurs, apprendre à perdre, écouter… – apprendre en jouant est une technique qui a largement fait ses preuves. Les jeux de société comme les jeux vidéo sont des terrains infinis d’expérimentation dans des domaines riches et variés.
Comme Roger Caillois le met en évidence dans son essai sociologique Les Jeux et les hommes, le jeu se définit entre le permis et le défendu. Ce dernier étant par ailleurs l’intrigue même de ce roman épistolaire sulfureux du XVIIIe siècle écrit par Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, dans lequel deux aristocrates libertins et manipulateurs, La Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont, se jouent avec habileté des sentiments de leur entourage. Composé de 175 lettres, ce roman épistolaire se construit à travers la correspondance croisée de plusieurs personnages. Sous-titré « Lettres recueillies dans une société et publiées pour l’instruction des autres », l’auteur s’est toujours défendu de l’immoralité de son œuvre. Dans sa préface, il écrit : « C’est rendre un service aux mœurs, que de dévoiler les moyens qu’emploient ceux qui en ont de mauvaises pour corrompre ceux qui en ont de bonnes, et je crois que ces lettres pourront concourir efficacement à ce but. » Les Liaisons dangereuses peuvent donc très bien se lire comme le roman d’apprentissage de la très jeune et très inexpérimentée Cécile de Volanges.
D’ailleurs, apprendre en jouant, c’est aussi apprendre en lisant. Par exemple, en 2012, Christophe Donner publie un roman historique intitulé À quoi jouent les hommes nous plongeant dans le Paris du XIXe siècle pour reconstituer les origines des courses hippiques.
Avec Le Tableau du maître Flamand paru en 1990, Arturo Pérez-Reverte entraîne son lecteur dans une enquête policière mêlant les mathématiques, la logique, le jeu d’échecs et l’histoire de l’art. C’est également une intrigue policière au commencement de ce best-seller, Da Vinci Code, écrit par l’américain Dan Brown et vendu à presque 100 millions d’exemplaires dans le monde depuis sa publication en 2003.
L’incroyable film Slumdog millionaire réalisé en 2008 par Dany Boyle, adapté du roman de l’écrivain indien Vikas Swarup, Les Fabuleuses aventures d’un indien malchanceux qui devint milliardaire, mêle à différents degrés jeu et apprentissage dans son intrigue. Jamal Malik, le personnage principal, un jeune indien issu des bidonvilles, est finaliste de la version indienne de Qui veut gagner des millions ?. Tout dans la vie de ce jeune orphelin sans éducation semble l’avoir conduit à ce jeu. Soupçonné de tricherie, Jamal raconte à l’inspecteur de police, au cours d’un interrogatoire musclé, précédent l’ultime question des vingt mille roupies, les épisodes malheureux de sa vie qui lui ont permis de répondre à chacune des questions du présentateur. Derrière l’apparente légèreté de l’intrigue se cache une violente critique de la condition des enfants pauvres en Inde.