« L’invitation au voyage », avant de constituer le thème de votre programme, est le titre d’un beau poème de Charles Baudelaire (1821-1867) qui commence ainsi : « Mon enfant, ma sœur, / Songe à la douceur / D’aller là-bas vivre ensemble ! » Les vers suivants y reviennent comme un refrain : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté. » Ce poème se trouve dans Les Fleurs du mal (1861), et Baudelaire réécrira une « Invitation au voyage », dans son recueil de poèmes en prose, Le Spleen de Paris.
Ce thème de l’invitation au voyage nous rappelle que ce dernier, avant d’avoir réellement lieu, est mental, imaginaire, poétique. On le désire, l’espère, le rêve, le fantasme, le projette, le prépare… Il exprime un désir d’ailleurs. « Tu connais cette maladie fiévreuse qui s’empare de nous dans les froides misères, cette nostalgie du pays qu’on ignore, cette angoisse de la curiosité ? », écrit Baudelaire dans sa deuxième invitation. Le voyage, en ce sens, est un déplacement dans la pensée avant d’être un déplacement dans l’espace. Peut-être même pouvons-nous voyager sur place lorsque nous rêvons, lisons de la poésie ou de la littérature, écoutons de la musique. Et les voyages réels, concrets, ne sont-ils pas toujours décevants comparés à ces voyages imaginaires ? Comment la réalité peut-elle égaler nos désirs ?
Il faut d’ailleurs prêter attention au terme d’invitation. Être invité, c’est, au sens ordinaire, bénéficier de l’attention d’une personne qui se dispose à vous accueillir. Ici, quelle est cette personne ? Et s’agit-il d’être reçu ou au contraire de partir ? Peut-être faut-il entendre le terme comme une incitation, une autorisation, comme lorsqu’on dit : « je t’invite à t’asseoir » et comprendre l’invitation au voyage comme une autorisation à rêver qu’on s’accorde…