Dans La Poétique (335 av. J.-C.), Aristote définit la Comédie antique et souligne que l’identification avec le comédien se transmet par le masque « laid et difforme sans exprimer la douleur ». Cette identification permet une catharsis, une purge des émotions qui passe par un grotesque et ridicule suscités par la « représentation d’hommes bas ».
Dans L’Art poétique (1674), Nicolas Boileau théorise les règles théâtrales pour davantage d’efficacité dramaturgique : « Qu’en un lieu, en un jour, un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli ». Ainsi, Dans Tartuffe (1669), Molière met en scène un ridicule dévot dont l’oppression est magnifiée par la règle des trois unités. Il n’existe guère que Corneille, au XVIIe siècle, pour contester avec brio Nicolas Boileau dans l’Illusion comique (1635), qui apparaît comme très souple avec la règle des trois unités. Dans Les Caractères (1688), La Bruyère dresse une galerie de portraits d’êtres faibles et grotesques mais très humains, auxquels on s’identifie forcément par empathie.
Dans Le rire. Essai sur la signification du comique (1900), Henri Bergson postule que le comique demande une certaine indifférence, une « anesthésie momentanée du cœur », une sorte de dissociation. Le Misanthrope (1666) de Molière est en ce sens avant-gardiste en présentant Alceste, un être humain froid et asocial, que l’on adorera détester.
L’identification au héros comique est l’inverse d’une fascination classique pour un (super)héros : nous rions de bon cœur du malheur des autres afin qu’il ne nous atteigne pas. Nous nous amusons des multiples déconvenues des deux pédants hommes de Bouvard et Pécuchet (1881) de Gustave Flaubert en espérant que nous ne tomberons pas aussi bas que ces ridicules personnages. « Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer » comme le suggère malicieusement Beaumarchais dans Le Barbier de Séville (1775).