Les dérivés halogénés des molécules organiques portent un atome de l’avant-dernière colonne du tableau périodique, celle des halogènes (F, Cl, Br, I), noté X. Ces éléments étant particulièrement électronégatifs, la liaison C–X se trouve polarisée. Cela a deux conséquences :

  1. Le carbone se trouve appauvri en électrons et peut subir une attaque nucléophile d’un réactif possédant un doublet non liant d’électrons, ce qui aboutit à la substitution de l’halogène par ce nucléophile. On parle de réaction de substitution nucléophile, notée $\mathrm{S_N}$ ;

  2. L’atome d’hydrogène, situé sur le carbone $\beta$ (voisin du carbone $\alpha$ portant l’halogène), est lui aussi appauvri en électrons et devient labile, facilement capté par une base. Cela entraîne le départ de l’halogène et la création d’une liaison $\pi$, entre les carbones $\mathrm{C_{\alpha}}$ et $\mathrm{C_B}$. On parle de réaction de $\beta$-élimination, notée E.

La présence d’un halogène rend donc particulièrement réactifs les composés qui les portent.

RÉACTIONS DE SUBSTITUTION NUCLÉOPHILE $\mathrm{(S_N)}$

Il existe deux types de réaction de $\mathrm{S_N}$ : la $\mathrm{S_N}$ monomoléculaire $\mathrm{(S_N1)}$ et la $\mathrm{S_N}$ bimoléculaire $\mathrm{(S_N2)}$

    1. Réactions de substitution nucléophile monomoléculaire $\mathrm{(S_N1)}$
Cette réaction est dite monomoléculaire (ou d’ordre 1), car sa vitesse $v$ de réaction est proportionnelle à la seule concentration du dérivé halogéné [R–X] : $v= \mathrm{k_1 \times [R-X]}$
Elle s’effectue en deux étapes :

  • 1re étape (lente) : départ de l’halogène (X) engendrant un carbocation (R+)
    $\mathrm{R-X  \leftrightarrows R^+ + X^-}$
  • 2e étape (rapide) : attaque du nucléophile (Nu-) sur le carbocation
    $\mathrm{R^+ + Nu^- \leftrightarrows R-Nu}$

Le produit obtenu forme un mélange racémique, puisque l’attaque du nucléophile s’effectue tant au dessus qu’en dessous du plan du carbocation. Plus le carbocation est substitué, plus il est réactif, par inertie stérique. Il est stabilisé par un solvant polaire. Si le solvant est protique, il permet une bonne solvatation de l’ion halogénure formé, pour une vitesse de réaction accrue.

    2. Réactions de substitution nucléophile bimoléculaire $\mathrm{(S_N2)}$
Cette réaction est dite bimoléculaire (ou d’ordre 2), car sa vitesse $v$ de réaction est proportionnelle à la fois à la concentration du dérivé halogéné $\mathrm{[R–X]}$ ainsi qu’à celle du nucléophile $\mathrm{[Nu^-]}$ :     
$v= \mathrm{k \times [R-X] \times [Nu^-]}$
Elle s’effectue en une seule étape :

Le nucléophile attaque le carbone réactif du côté opposé au substituant halogéné entraînant simultanément le départ de l’halogène et la formation de la liaison R–Nu. Si le nucléophile et l’halogène ont la même priorité selon les règles de Cahn, Ingold et Prelog, alors une inversion de configuration se produit sur le carbone réactif, appelée inversion de Walden.
La réaction de $\mathrm{S_N2}$ est d’autant plus facilitée que le carbone réactif est moins substitué, car d’accès plus aisé pour le nucléophile, et le nucléophile moins volumineux. La réaction doit s’effectuer dans un solvant aprotique et peu polaire.

RÉACTIONS D’ÉLIMINATION (E)

Comme pour les réactions de $\mathrm{S_N}$, il existe deux types de réaction d’élimination : l’élimination monomoléculaire (E1) et l’élimination bimoléculaire (E2).

    1. Réactions d’élimination monomoléculaire (E1)
De même que pour les réactions de $\mathrm{S_N1}$, la réaction E1 suit deux étapes, dont la première est commune entre $\mathrm{S_N1}$ et E1, à savoir la formation d’un carbocation et le départ de l’ion halogénure.
Lors de la deuxième étape, une base capte le proton rendu labile, car sa liaison covalente avec $\mathrm{C_\beta}$ est fragilisée : il se forme alors une liaison π entre $\mathrm{C_\beta}$ et $\mathrm{C_\alpha}$. La double liaison aboutit à la formation d’une configuration Z ou E, mais l’apparition de la configuration E est privilégiée.
La réaction est facilitée par un solvant polaire et protique, et par un carbocation plus substitué : conditions identiques à celles de la réaction de $\mathrm{S_N1}$.

    2. Réactions d’élimination bimoléculaire (E2)
La réaction E2 s’effectue en une seule étape concertée : la capture du proton labile sur $\mathrm{C_\beta}$ par la base entraîne simultanément le départ de l’halogène sous forme d’ion halogénure ainsi que la formation de la double liaison entre $\mathrm{C_\beta}$ et $\mathrm{C_\alpha}$. On parle d’élimination anti, car dans l’état de transition, H et X sont en position décalée anti : la réaction est stéréospécifique.
Comme dans la réaction de $\mathrm{S_N2}$, le solvant doit être apolaire et aprotique.

COMPÉTITION $\mathrm{S_N1-S_N2}$ ou E1-E2

Il existe une compétition entre $\mathrm{S_N1}$ et $\mathrm{S_N2}$ et entre E1 et E2 :

  • Un substrat primaire subit préférentiellement une réaction bimoléculaire ($\mathrm{S_N2}$ ou E2) alors qu’un substrat secondaire ou tertiaire subit préférentiellement une réaction monomoléculaire ($\mathrm{S_N1}$ ou E1) ;
  • Un solvant polaire et protique favorise une réaction monomoléculaire ($\mathrm{S_N1}$ ou E1) alors qu’un solvant apolaire et aprotique favorise une réaction bimoléculaire ($\mathrm{S_N2}$ ou E2).