Le Secret derrière la porte & le film noir

Le film noir est apparenté au film policier, genre populaire qui connaît bien d’autres déclinaisons. Il doit beaucoup au roman hard-boiled, certains écrivains ayant aussi été scénaristes (R. Chandler, J.M. Cain). Symptomatique de la société de l’après-guerre, plus dure et en manque de repères, le film noir a d’abord occupé une place secondaire et a été snobé, avant que la France lui donne ses lettres de noblesse. Lang s’y est illustré, sans doute parce que cela faisait écho à ses thématiques et à son style, avec des éclairages expressionnistes en clair-obscur qui jouent sur la symbolique, un paysage urbain oppressant et des intrigues faites de doutes et de faux-semblants. Le Secret derrière la porte reprend certains aspects esthétiques et narratifs du film noir mais pas tous. On tend vers le gothique et l’enquête est plus basée sur l’empirique que le déductif, mais garde l’atmosphère et les personnages troubles qui font face à leur destin, et ce côté fantasmatique proche du rêve.

Nombre de thématiques et d’archétypes du film noir sont devenus iconiques. Là encore, Le Secret derrière la porte propose des variations par rapport au modèle classique. Cliché sexiste de la garce ou simple faire-valoir, ou au contraire message féministe et marque d’affirmation, la femme fatale entraîne le personnage masculin à sa perte, volontairement ou bien malgré elle. À l’opposé, Celia incarne l’enquêtrice qui va sauver la situation, fait rare dans un genre où les hommes dominent. La narration en voix off, autre classique du genre, est la sienne. On retrouve cependant le fantasme du crime parfait, déclenché, et tout aussi souvent dévoilé à la fin, par un élément insignifiant (un « MacGuffin », aurait dit Hitchcock) et le lourd passé qui revient hanter les protagonistes. Le tueur n’est plus un marginal et offre l’apparence de la normalité. Même si à la fin, la morale est (souvent) sauve, ces ambivalences qui défiaient le code Hays ont valu au film noir des critiques des censeurs.