Thématiques langiennes

Lang interroge les rouages de la société et traite parfois les facettes d’un sujet sur plusieurs films. Fils d’architecte, la ville chez lui revêt une importance symbolique : froide, dure, écrasante dans sa période allemande pré-nazie, elle se fait plus douce en apparence dans ses films américains. Le futurisme de Metropolis a inspiré des générations de réalisateurs. Lang s’intéressait à la science et aux technologies. Il effectuait des recherches très poussées pour ses films, et la presse tient logiquement beaucoup d’importance dans sa filmographie, mais il n’était pas aveugle cependant aux risques de la voir abuser de son influence. Dans son œuvre, le pessimisme prévaut. Les élites ont peu d’égard pour les individus, les utilisent, et sont incapables de les protéger. Leur opposé, la pègre, se révèle ambivalente, entre mal nécessaire et force nuisible. De même, le marginal en tant que personnage principal est passé du Übermensch allemand à l’homme du commun américain, victime du sort.

Les personnages de Fritz Lang sont souvent en lutte contre leurs (mauvaises) pulsions, symptôme fréquent d’un fantasme d’hyper-contrôle totalitaire chez les élites comme chez le peuple. La frustration générée débouche sur la violence. La filmographie de Lang compte de nombreux meurtres, surtout des femmes. Un élément insignifiant marque un point de bascule qui fait dérailler des personnalités « borderline », et les protagonistes se retrouvent entraînés par une fatalité tragique. La justice est un thème central chez lui, mais elle n’est pas forcément garantie par la loi, qui peut être dévoyée. À l’opposé, la vengeance même légitime peut déboucher sur des conséquences tout aussi néfastes. Lang met en évidence la frontière floue entre le bien et le mal, et interroge la notion de culpabilité : condamnation par un tribunal ou poids sur la conscience ? Aucun des deux n’est acquis. Ambivalence de la morale et exacerbation des sentiments : c’est là la modernité et le romantisme noir de Lang.