À partir des XVe et XVIe siècles, le théâtre européen se peuple de fées, d’elfes et de lutins : le genre de la « féérie », c’est-à-dire de la pièce de théâtre fondée sur le merveilleux, devient très populaire. Ce merveilleux est aussi bien dans les sujets (souvent inspirés de contes populaires) que dans les personnages surnaturels (les fées mais aussi les sorcières, les spectres animés, les animaux étranges…), ou bien encore et surtout dans les moyens techniques (pyrotechnie, machines, artifices en tous genres). Il y faut de la musique et de la danse, voire de la pantomime et des acrobaties.

Il faut souligner que le genre ne naît pas soudainement, mais émerge dans la continuité directe du merveilleux chrétien pratiqué au Moyen Âge. Les Mystères faisaient intervenir les machines et les effets spéciaux (les « feintes ») pour représenter l’invisible.

Genre composite, la féérie tire également son origine dans le théâtre de foire ou la comédie-ballet. Mais le genre se répand surtout avec le goût baroque. Le théâtre élisabéthain est ainsi particulièrement prodigue en fééries : toute l’œuvre de Shakespeare (1564-1616) est peuplée de fantômes, de sorcières et de fées, que ce soit dans les tragédies (Macbeth) ou dans les comédies (Le Songe d’une nuit d’été, La Tempête).

La scène française, elle, voit le succès du Francion de Sorel puis de La Toison d’or de Corneille  ou encore de Psyché chez Molière : la féérie devient un spectacle de cour. Elle s’éclipse quand s’affirme le classicisme pour mieux renaître au XVIIIe (âge d’or des automates) et surtout au XIXe, après 1850, en France avec George Sand, Victor Hugo et Charles Nodier par exemple, même Flaubert s’y intéresse.

À chaque fois, des êtres surnaturels rencontrent des personnages de la vraie vie et cette rencontre crée une incertitude sur les limites exactes entre rêve et réalité. Le théâtre interroge le pouvoir de nos illusions et leur rapport à la vérité.