Notions de chronographie et structure chronologique

Les sociétés médiévales ont hérité des formes romaines de datation : à l’origine, les années depuis la création de Rome (ab urbe condita, depuis 753 avant notre ère) et la période d’exercice de chaque consul. 

Ainsi, Juifs et Byzantins ont choisi l’ère de la Création du monde (date calculée différemment), à laquelle on a ajouté l’an du règne de l’empereur. 

En Espagne, on a choisi une ère débutant par la conquête romaine de la péninsule ibérique. 

Les Chrétiens de l’Ouest ont resserré les formules de datation. Le moine Denys le Petit a introduit au VIe siècle un point de référence, l’année de l’Incarnation du Christ – appelée aujourd’hui « de notre ère », mais l’année du Christ ne s’est imposée qu’au IXe siècle. 

Le millésime a trouvé place dans un calendrier solaire d’origine romaine ; mais le début de l’année a été fixé différemment d’une région à l’autre (style de Noël, de Pâques, etc.). On a ensuite introduit la subdivision en mois et quantième du mois : les notaires l’appliquent systématiquement depuis le XIIe siècle.

La période du Moyen Âge est, par convention, située entre la fin du Ve siècle (fin de l’Empire romain d’Occident, début du règne de Clovis) et 1500, soit jusqu’aux premières conquêtes du Nouveau Monde (Amériques). Plus de mille ans, que les historiens français répartissent souvent en trois grandes phases : 

• Haut Moyen Âge (476-987), 
• Moyen Âge central (987-1200), 
• Bas Moyen Âge (1200-1500). 

Dans ce cadre, on peut aussi repérer certaines dynasties – pour l’Europe occidentale : mérovingiens, carolingiens, capétiens, ottoniens, Staufen, Valois ; pour l’empire byzantin, les Comnènes ; pour le monde musulman, les Omeyyades, les Abbassides, les Ottomans.

• 476 : Fin de l’Empire romain d’Occident
• v. 481 : Clovis est élu roi des Francs. Début des royaumes mérovingiens
• 660-750 : Dynastie des Omeyyades
• 750-1193 : Âge d’or de la dynastie des Abbassides
• 751 : Pépin le Bref est élu roi des Francs. Début des Carolingiens.
• 800 : Couronnement impérial de Charlemagne
• 962 : Couronnement impérial d’Otton Ier
• 987 : Accession au trône de Hugues Capet
• 1081-1185 : La dynastie des Comnènes règne sur l’empire byzantin
• 1099 : Prise de Jérusalem, fin de la 1re croisade
• 1138-1250 : La dynastie des Staufen règne sur l’Allemagne et l’Italie
• 1291 : Prise de Saint-Jean d’Acre, fin des croisades
• 1453 : Prise de Constantinople par les Ottomans

La notion de « Moyen Âge » reflète les constructions et reconstructions mentales et idéologiques du passé. Fluctuante, elle dépend des traditions nationales et diffère d’un pays à l’autre (France, Allemagne, Italie, Angleterre, USA…). Ses origines remontent à la Renaissance, lorsque les artistes et écrivains, en réaction aux siècles antérieurs, revendiquèrent le retour au passé de l’Antiquité grecque et romaine ; les hommes du XVIIIe siècle ont complété le dénigrement des Ve-XVe siècles en prétendant y voir la source d’une féodalité devenue insupportable. L’idée du Moyen Âge a fait l’objet de révisions récentes : en témoignent la réappropriation du patrimoine médiéval dans les pays européens et l’insertion du « Moyen Âge » occidental dans une Histoire globale à l’échelle planétaire.

Bibliographie de base :

• Le Goff, Jacques, Un long Moyen Âge, Paris, Hachette, 2009, (« Pluriel histoire »).
  

Une approche globale du XIIIe siècle en Occident nécessite une fusion de l’histoire politique, économique, culturelle et religieuse. Après les expérimentations de nouvelles formes institutionnelles durant le haut Moyen Âge, une synthèse s’opère depuis la seconde moitié du XIIe siècle et triomphe au XIIIe siècle, grâce au dynamisme de l’économie et de la démographie, aux opérations collectives des croisades, à la diffusion de l’écrit, à la diffusion des règlements administratifs et des connaissances scientifiques, à la consolidation de grands réseaux d’alliances entre familles et entre cités, à l’emprise supranationale de la papauté romaine et du droit ecclésiastique. L’achèvement relatif – de la christianisation forge la pleine conscience d’une chrétienté occidentale, manifestée au concile de Latran IV (1215). Celle-ci repose sur des « États » (royaumes et cités) d’obédience romaine. La généralisation des échanges politiques et religieux exige le contrôle des monnaies, de la circulation des biens, des connaissances et un partage relatif des formes juridiques, littéraires, artistiques et architecturales. La contrepartie en est l’apparition de mécanismes de contrôle politique et économique, de surveillance et d’exclusion sociale (« hérésies », « inquisition »). Le paysage humain atteint sa stature d’Ancien Régime aux alentours des XIIe-XIIIe siècles.

Bibliographie de base :

• Philippe Contamine, L’économie médiévale, Paris, Armand Colin, 1999. 
• Claude Gauvard, Le temps des Capétiens, Paris, Puf, 2013. 
• Jacques le Goff, Le XIIIe siècle. L’apogée de la chrétienté, Paris, Bordas, 1993.
  

De l’histoire brève à la dimension universelle, le vécu du royaume de France en 1348, au cœur d’un cycle catastrophique, devient une date charnière de l’histoire européenne. Un tassement démographique, des crises frumentaires, des faillites bancaires, des révoltes urbaines marquent la fin de la prospérité qui a caractérisé le XIIIe siècle. L’irruption de la Peste en 1347-1348 provoque un effondrement de la population et de la production. Le royaume de France est confronté à une autre crise, politique et militaire, consécutive au basculement dynastique (Valois) et à la coûteuse guerre de Cent Ans qui oppose France et Angleterre et brouille les fidélités traditionnelles. Aux portes du royaume, la Papauté d’Avignon provoque la réorganisation administrative et financière de tous les diocèses d’Occident. Grâce à son contrôle étroit des promotions ecclésiastiques et à ses relations privilégiées avec le roi de France, elle se place au-dessus des royaumes, favorise les échanges à longue distance entre cités et modifie les équilibres traditionnels. L’entremise des papes a permis ainsi au royaume de France de survivre à la crise. 

Bibliographie de base :

• Monique Bourin-Derruau, Temps d’équilibres, temps de rupture, Paris, Seuil, 1990, (collection Points).
  

La Renaissance n’a pas vu le jour seulement au XVIe siècle. Le mouvement est en cours depuis le XVe siècle. Les conciles consacrés à l’apaisement du Schisme d’Occident, aux dernières tentatives pour sauver l’Empire byzantin et aux relations entre royaumes, ont favorisé la rencontre de savants qui appartenaient à la suite des princes et des prélats et, ainsi, la redécouverte en Occident d’une part importante des connaissances de l’Antiquité grecque. La Renaissance italienne est ainsi le fruit des négociations menées à Bâle, à Pise et à Florence. Mais tout ne s’est pas fait seulement en Italie et dans les couloirs des conciles et de la diplomatie. Le goût de l’innovation portait une économie de la connaissance, jusque dans les domaines les plus techniques : les universités ont alimenté la réflexion philosophique ; les marchands et banquiers ont financé et stimulé les techniques des transferts bancaires, de l’assurance et de la comptabilité ; les grandes cités et les princes ont cultivé le développement scientifique (notamment en géographie, astrologie) et soutenu la création artistique (chroniqueurs, traducteurs, poètes, musiciens…) en Angleterre, en Flandres, en Germanie, en France, en Espagne autant qu’en Italie. Des expéditions le long des côtes africaines ouvrent la voie à la découverte de nouveaux mondes. La demande des marchés urbains, très dynamiques après la purge de 1348 a fait le reste.

Bibliographie de base :

• La Renaissance ? Des Renaissances ? (VIIIe-XVIe siècles), éd. Marie-Sophie-Masse, Michel Paoli, Paris, Klincksieck, 2010.