Proche de la fable, le conte vient d’une tradition orale et populaire. Il se définit comme un récit merveilleux et très souvent extraordinaire. Il témoigne d’une grande simplicité dans l’écriture, mais s’avère riche de symboles à décrypter.
Tout comme la fable, le conte est construit selon le même schéma : état initial, élément perturbateur, déséquilibre et état final. De plus, la schématisation des personnages rappelle également ceux des fables : ils évoluent dans un contexte merveilleux et s’inscrivent dans une temporalité mal définie, même si la plupart des contes se situent dans un contexte médiéval.
Cependant, ce type de récit connaît quelques variantes : le conte traditionnel ou le conte merveilleux, le conte philosophique, et plus tard le conte fantastique et le conte gothique.
- Le conte traditionnel est certainement le plus connu de tous. Au départ, il s’agit d’une histoire racontée oralement où la magie, les fées, les sorcières et les hommes sont mis en relation, où les animaux sont dotés de parole et dialoguent avec les humains qui, comme les objets, peuvent se métamorphoser. Par ailleurs, appelés aussi contes de fées, ces récits mettent en scène des femmes dotées d’un pouvoir magique, tantôt bénéfique, tantôt maléfique. Elles endossent alors un rôle particulier, incarnant une conscience morale, un jugement divin qui met à l’épreuve le libre arbitre des personnages, récompensés ou punis selon leurs actions vertueuses ou mauvaises. Le succès des contes n’est pas un phénomène essentiellement occidental. Les contes orientaux et notamment les Mille et Une Nuits ont considérablement influencé ce genre. En Europe, le conte merveilleux rencontre un grand succès. Ces récits anonymes sont rassemblés, dès le XVIIe siècle, par Charles Perrault. Au XIXe siècle, ils sont repris en Allemagne par les frères Grimm et au Danemark par Hans Christian Andersen (1805-1875), créateur de la Petite Sirène.
- Le conte philosophique emprunte, dans sa forme, les caractéristiques du genre traditionnel. Dans Candide de Voltaire, les marques du genre sont présentes dès le chapitre I – « Il y avait en Westphalie, dans le château de Monsieur le Baron de Thunder-Ten-Tronckh… » -, ce qui rappelle la formule « il était une fois » des contes traditionnels, le pays lointain et le château. À travers le merveilleux qu’il met en scène, le conte soulève une réflexion critique.
Dans la veine de l’esprit du XVIIIe siècle, le conte sert à remettre en cause les institutions, à critiquer la tradition et à dénoncer les abus. Le conte devient une arme de contestation pour les philosophes des Lumières. La temporalité n’est pas clairement donnée. « Il y avait », « Au temps de » inscrivent l’action dans un temps ancien, imprécis, mais les caractéristiques évoquées renvoient souvent à l’époque de l’auteur : dans Candide, le démonstratif « icelui » présent dans le titre du chapitre laisse penser que l’action du conte se situe dans une temporalité lointaine, toutefois les références faites à la religion, à l’aristocratie et à la théorie de l’optimisme se rapportent à l’époque de Voltaire. L’auteur propose aussi des décors merveilleux qui revêtent une dimension symbolique : l’Eldorado renvoie à la notion d’utopie.
De plus, les récits exotiques étant à la mode au XVIIIe siècle, le conte philosophique répond à ce critère : la plupart des contes se situe dans des contrées lointaines tel que l’Orient - Zadig (1747), L’Histoire d’un bon bramin (1759), La Princesse de Babylone (1768).
Par ailleurs, les personnages renvoient à ceux des contes traditionnels : ce sont des personnages stéréotypés, décrits de façon lapidaire et toujours confrontés à des épreuves. Leur nom renvoie généralement à un trait physique ou de caractère. Candide fait référence à la candeur, la naïveté du héros ; Pangloss (du grec « pan » signifiant tout et « glossa », la langue) est celui qui est « tout en langue », qui ne fait que parler ou qui parle pour ne rien dire…
Mais le conte philosophique est surtout une arme au service de la contestation. Toutes les marques du genre traditionnel sont au service de la réflexion critique. Tous les événements, toutes les péripéties se rapportent à la société du XVIIIe siècle : guerres, intolérance, fanatisme, esclavage, torture, problèmes politiques et sociaux… Dans L’Ingénu (1767), Voltaire se penche sur le comportement contestable des hommes d’Église, sur l’injustice. Les personnages sont aussi mis au service de la contestation puisqu’ils évoquent les grands thèmes propres au siècle : Zadig ou la Destinée, Candide ou l’Optimisme… Les contes philosophiques mettent en œuvre un grand nombre de procédés rhétoriques pour toucher davantage le lecteur : ironie, antithèse hyperbole… qui permettent de saisir, sous l’apparence merveilleuse du conte, une dénonciation des tares de la société.