Dans sa jeunesse, le géant Gargantua a reçu les deux éducations, ce qui permet à Rabelais de critiquer l’une et de présenter l’autre comme une éducation complète du corps et de l’esprit.

Gargantua, le géant a été confié à deux sophistes durant plus de 50 ans : Thubal Holoferne puis Jodelin Bridé. Dans l’Antiquité, les sophistes désignent des maîtres de rhétorique et de philosophie mais le terme devient vite péjoratif pour désigner ceux qui utilisent des arguments creux dans le but de faire illusion.

Au Chapitre XV, le roi Grandgousier, le père de Gargantua, est stupéfait devant le jeune page Eudemon, qui a été élevé dans les principes humanistes, car son fils à lui est devenu « niais, tout rêveux et rassotté ». En effet, l'éducation du prince repose sur la paresse et la goinfrerie (puisque les sophistes ne sollicitent nullement le corps) ; son savoir se borne à des apprentissages théoriques s'appuyant uniquement sur sa mémoire mais qui n’ont nullement exercé son raisonnement.

Dès lors, Gargantua est confié à un maître résolument moderne : Ponocrates. Rabelais nous détaille l’emploi du temps du prince : de son lever à 4h du matin jusqu’à son coucher, le corps et l’esprit du prince sont stimulés.

« Mens sana in corpore sano » / « Un corps sain dans un esprit sain » pourrait être la devise de l’enseignent humaniste prodigué par Ponocrates. Quant au savoir, il se fonde sur un idéal encyclopédique à travers la diversité et les richesses des enseignements : astronomie, littérature, rhétorique, biologie, nutrition, philosophie, arythmique ainsi qu’une lecture intelligente des écritures saintes et des grands auteurs de l’antiquité…

Dans la lettre que Gargantua adresse à son fils dans Pantagruel, le géant conseillait à son fils d’atteindre cet idéal humaniste en devenant « un abîme de science » afin de se forger un esprit mais aussi de s’entraîner à devenir un chevalier aguerri.

Dans Gargantua, cet idéale d’éducation humaniste trouve sa forme la plus aboutie à travers l’utopie de l’abbaye de Thélèmes (en grec = volonté). Après la victoire remportée sur le roi Picrochole, Gargantua accorde à Frère Jean le droit de fonder une abbaye pour accueillir et instruire de jeunes gens, garçons et filles : « Ils étaient si bien éduqués qu’il n’y avait parmi eux homme ni femme qui ne sût lire, écrire, chanter, jouer d’instruments de musique, parler cinq ou six langues et y composer, tant en vers qu’en prose ».