De Pantagruel à Gargantua

En 1532, paraît le premier tome, Pantagruel, racontant l’histoire du fils du géant Gargantua accompagné de son ami Panurge. L'ouvrage parodie les romans de chevalerie du Moyen Âge. Rabelais s’est inspiré des Grandes Chroniques du grand et géant Gargantua, ouvrage anonyme issu de la culture populaire du Moyen Âge. La tonalité de Rabelais est farcesque, le comique très irrévérencieux, et déjà l’éducation scolastique est vivement critiquée, notamment dans la lettre de Gargantua à son fils dans laquelle le père oppose aux méthodes de son époque une vision humaniste visant la quête du savoir et l’épanouissement personnel.

En 1534, Rabelais fait paraître La Vie très horrifique du grand Gargantua.

Dès Le Prologue que Rabelais adresse aux « Buveurs très illustres, et vous, vérolés », le ton comique de l’œuvre est donné. Toutefois, dans ce Prologue, Rabelais met en garde les lecteurs contre les apparences faciles et trompeuses : « Mais il ne faut pas considérer si légèrement les œuvres des hommes » écrit l’auteur.

Pour nous convaincre, Rabelais reprend la comparaison qu’Alcibiade fait de Socrate dans Le Banquet de Platon. La référence en elle-même à Socrate, dès ce Prologue, indique que, dans cet ouvrage, ne cesseront de se côtoyer comique et sérieux. En effet, Socrate, considéré comme l’un des plus grands philosophes de l’Antiquité, était fort laid. Or, ce corps hideux renfermait un puits de savoir et de sagesse à l’image des Silènes nous dit Alcibiade, ces petits boîtes figurant d’horribles et drôles de créatures et, pourtant, renfermant de si précieuses matières.

Il en va de même avec cet ouvrage : « […] vous pensez trop facilement qu’on y traite que de moqueries, folâtreries et joyeux mensonges, puisque l’enseigne extérieur (c’est-à-dire le titre) est, sans chercher plus loin, habituellement reçue comme moquerie et plaisanterie. »

Dans la 2e édition de Gargantua, Rabelais fait précéder ce Prologue plutôt déroutant d’un Avis aux lecteurs probablement dans le but d’atténuer sa provocante adresse aux Buveurs et aux vérolés puisque le poème débute par un chaleureux « Amis lecteurs ». Si, dans son Prologue, Rabelais met en garde son lecteur contre une lecture et un jugement trop simpliste sur le texte, dans son Avis aux lecteurs, il justifie sa manière de faire comme l’illustre ces 2 vers, s’inspirant d’Hippocrate : « Il vaut mieux traiter des rires que des larmes / Parce que le rire est le propre de l’homme ».

Les extraits de Gargantua proviennent de la traduction de Marie-Madeleine Fragonard, Pocket Univers Poche.