Le narrateur s’adresse au lecteur avec qui il crée un rapport privilégié. Il arrive parfois que la présence de la deuxième personne du singulier (ou du pluriel) soit clairement évoquée dans un roman. On suppose alors que le destinataire privilégié est le lecteur. Le narrateur tente ainsi de créer une complicité plus marquée avec lui. Si le lecteur n’est pas toujours désigné par le « tu » ou le « vous », il n’en reste pas moins que c’est à lui que s’adresse celui qui parle.
Cette relation particulière peut aussi être mise en place dès l’incipit où l’auteur/narrateur s’adresse au lecteur pour justifier ses choix d’écriture ou pour permettre à son destinataire d’entrer plus facilement dans le cœur du récit.
Dans Le Père Goriot, le narrateur s’adresse directement au lecteur lorsqu’il décrit la pension misérable de Madame Vauquer :
« Eh ! bien, malgré ces plates horreurs, si vous le compariez à la salle à manger, qui lui est contiguë, vous trouveriez ce salon élégant et parfumé comme doit l’être un boudoir ».
Un récit n’est possible qu’à travers la présence du narrateur qui rapporte les actions des personnages.
Dans un récit fictif, on distingue l’auteur (qui signe l’œuvre) du narrateur (qui raconte l’histoire). La présence du narrateur peut être nettement marquée dans un roman, mais il peut tout aussi bien être extérieur au récit : lorsqu’il est extérieur au récit, sa présence est marquée par la troisième personne du singulier sans aucune présence du « je ».
Dans Germinal, le récit est mené à la troisième personne, le narrateur est donc extérieur à l’action :
« Elle s’était relevée sur les genoux, il la voyait tout près de lui, éclairée par les deux lampes. »
Il peut aussi être présent dans le texte en tant que personnage.
Dans L’Étranger (1942) de Camus, le narrateur/personnage Meursault s’exprime à travers la première personne :
« Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi ».
Le « je » peut aussi être mis en œuvre sans que le narrateur soit un personnage du roman. Il peut tout simplement donner son avis sur les personnages ou sur la société dans laquelle ils évoluent.
C’est le cas du narrateur dans Le Rouge et le Noir de Stendhal qui intervient pour porter un jugement sur le personnage de Julien :
« J’avoue que la faiblesse dont Julien fait preuve (…) me donne une pauvre opinion de lui. »
Dans certains romans, essentiellement contemporains, on assiste à un phénomène original qui consiste à mener un récit à l’aide de deux narrateurs. C’est le cas pour L’Elégance du hérisson (2006) de Muriel Barbery où deux narratrices, Renée une concierge de cinquante-quatre ans et Paloma une jeune adolescente de douze ans, se partagent la narration.