Aristote, dans Les Politiques, soutient que l’homme est par nature un animal politique, un zoon politikon. La vie en communauté serait celle qui convient à l’homme. Cela commence par la famille, communauté domestique liée à la nécessité de la reproduction et de l’éducation. À une plus large échelle, la cité, la communauté politique, procure aux individus une forme de protection et rend possible des formes de solidarité telles que la division du travail et l’entraide. Surtout, les hommes ont des dispositions sociales (le langage, le sens de la justice) qui ne trouvent à s’exercer qu’au sein d’une collectivité.

De fait, la vie en communauté est un universel humain. Quelles que soient les cultures, les hommes ont éprouvé le besoin ou le désir de s’inscrire dans une collectivité. Toutefois, on constatera qu’au cours de leur histoire, les hommes ont expérimenté différentes formes de communauté. Quoi de commun en effet entre la vie communautaire caractéristique des sociétés premières ou traditionnelles et la communauté politique moderne ? Les clans et les tribus fondent leur identité sur le culte d’un ancêtre commun ou d’un Totem. Les ressources naturelles sont conçues comme des biens communs et ne font pas l’objet d’une appropriation privative. L’emprise du groupe sur l’individu y est forte. Au contraire, les communautés politiques modernes – une nation, la communauté européenne – ne se réfèrent plus à un ancêtre commun ou à une divinité tutélaire. La vie communautaire y est l’exception, la propriété privée, l’économie de marché et l’individualisme la règle.

Ces évolutions ne témoignent-elles pas d’une difficulté à trouver le juste équilibre entre les aspirations individuelles et les exigences de la communauté ? Qui veut bénéficier des bienfaits de la communauté doit tempérer son individualisme. Mais comment l’intérêt commun peut-il prévaloir sur l’intérêt particulier sans menacer la liberté des individus ?