On observe depuis une vingtaine d’années une désaffection croissante des citoyens à l’égard du personnel politique, du jeu politique et, par suite, de la démocratie. Une démocratie sans citoyens qui s’y intéressent, sans citoyens qui s’engagent pour elle, est une démocratie qui s’effondre. Il n’est donc pas exagéré de dire qu’il est un besoin désormais urgent : sauver la démocratie.
La crise de la démocratie s’explique, d’une part, par le fait que les électeurs deviennent de plus en plus méfiants, ne voyant pas pourquoi voter dès lors que tous les candidats aux élections seraient, selon eux, corrompus et ne poursuivraient que leur intérêt personnel de manière très démagogique ; et, d’autre part, par le fait que toute une partie de la population ne s’intéresse pas ou plus au monde politique, aux enjeux électoraux, s’enfermant dans des vies d’oisiveté ou dans des activités anti-citoyennes. Sous ce second aspect, l’enjeu est surtout éducatif : il convient de montrer aux citoyens de demain combien la démocratie est importante, mérite qu’on la défende et mérite au moins qu’on s’intéresse et qu’on participe aux processus qui la font vivre.
Les réseaux sociaux sont la principale menace pour la démocratie : ils tendent à enfermer les individus sur eux-mêmes, à les couper des autres, à les couper de la vie matérielle et des problématiques réelles pour le monde ou pour leurs sociétés, à diffuser des masses de fausses informations et autres contenus à visée de propagande. Le débat et l’engagement démocratiques se trouvent ainsi interdits, tandis que toutes les formes de radicalisme et de dogmatisme peuvent prospérer. Le contrôle démocratique devient impossible. Une grande partie de la population est incitée à ne plus voter, tandis que l’autre partie, qui vote encore, le fait à l’aune de données biaisées, pour des motifs illégitimes, travaillée qu’elle est par les arguments faciles des démagogues (en a témoigné l’élection de Donald Trump aux États-Unis et la victoire du Brexit au Royaume-Uni) et par les pouvoirs médiatiques et économiques. Dans la guerre de l’information, la démocratie est démunie. Elle n’a pas de contre-pouvoir à opposer. En manipulant les jugements et les pensées des citoyens, en faussant leur perception de la réalité et de ses enjeux, les puissances informationnelles compromettent la capacité de la population à former un jugement autonome. Trois procédés sont déployés dans ce cadre : la surinformation, la sous-information et la désinformation.
Par ailleurs, la démocratie est également contestée en ce qu’elle serait un instrument de l’impérialisme occidental : les pays européens et américains chercheraient à imposer leur mode de vie au monde entier, alors pourtant qu’un régime autoritaire serait tout aussi acceptable qu’un régime démocratique. En ce sens, le fait que la Chine, qui est désormais la première puissance au monde en concurrence avec les États-Unis, soit une dictature communiste montre qu’un pays peut prospérer et offrir de bonnes conditions de vie à ses résidents sans pour autant s’ouvrir à la démocratie. Mais peut-on réellement défendre un régime qui bafoue les droits de l’homme ? En Chine, les individus doivent se contenter de travailler et d’avoir quelques loisirs, mais il leur est défendu de s’intéresser à la politique et à tout ce qui touche à la gestion des affaires publiques.