La rue, en tant qu'espace social en pleine construction, doit trouver ses propres règles, qui ne sont ni celles de l’espace privé, ni tout à fait celles de l’espace public : c’est la loi de la rue. Ainsi, dans Ferragus (1833) d’Honoré de Balzac, nous suivons un jeune héros dans les faubourgs parisiens mal famés, avant la rénovation architecturale entreprise par Eugène Haussmann.
À la suite de ces rénovations urbaines, le jeune ambitieux Aristide Rougon, protagoniste de La Curée (1871) d’Émile Zola, participe avidement à la « curée », appellation métaphorique du partage spéculatif des quartiers de Paris sous le Second Empire.
Dans ce contexte de fortes réformes architecturales politiques, des figures de parias injustement condamnés par le pouvoir étatique apparaissent tour à tour chez Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo, 1844) et Victor Hugo (Les Misérables, 1862).
Dans L’Impasse (1993) de Brian de Palma, un ancien dealeur (Al Pacino) regarde avec mélancolie la rue où il était auparavant le « roi » : il ne maîtrisera plus les codes de la street, désormais aux mains des plus jeunes. La série télévisée The Wire (2002-2008) de David Simon proposera une fresque sociale montrant les mutations de Baltimore, des rues gangrénées par la misère, la drogue et la gentrification.
Nous pouvons nous protéger de l’anxiété de la rue, nocturne et populeuse, dans des moyens de locomotion protégés comme la voiture, le taxi ou bien le VTC. Ainsi, dans Cosmopolis (2012) de David Cronenberg, le milliardaire agoraphobe Eric Packer utilise sa limousine de luxe comme cocon protecteur dans un monde avili par le capitalisme.
La rue moderne, de plus en plus peuplée, est devenue un espace public à contrôler et à réguler, voir à surveiller par l’usage de la vidéosurveillance : l’idéal de la ville connectée, brouillant les frontières entre espace public et privé, n’est peut-être plus un songe.