Docere et placere, instruire et plaire, telle est la doctrine d’Horace dans son Art poétique, reprise à l’époque classique par Boileau. L’art et la littérature en particulier sont censés édifier pour faire oublier leur fausseté. Le roman, genre parvenu, selon le mot de Marthe Robert, subit un soupçon supplémentaire de corruption dans la mesure où il se rapproche dangereusement de la réalité et où la narration le rend plus flatteur et plus illusoire.
En 1761, dans la Préface à la Nouvelle Héloïse, Rousseau condamne la lecture des romans qu’il veut interdire aux jeunes filles, mais néanmoins prescrire à une société corrompue. « Il faut des spectacles dans les grandes villes et des romans aux peuples corrompus ». S’il condamne les romans qui moquent les ridicules des hommes et tracent un tableau peu enviable de la vertu, Rousseau défend le roman qui serait une école de sensibilité et de bonté. Il dresse le portrait d’une société transparente conforme au Contrat social dans le village de Clarens avec des cœurs aimants et sincères. Une telle assertion est contestée totalement par un autre principe romanesque plus récent qui affranchit la fiction de toute perspective morale.