Les débuts du XXe et du XXIe siècle retrouvent le fond tragique antique, lequel permet de cristalliser, par ces réécritures, la question de la fatalité et de l’obstacle tragique, dans un contexte d’entre-deux-guerres, voire d’Occupation. Permettant d’éviter la censure allemande, sous l’apparence d’une réactualisation d’un motif ancien, ces pièces permettent de puiser dans un fond symbolique grâce auquel, par sa richesse, elles interrogent le monde sous l’angle de l’engagement politique, du devoir et de l’humanité. Ainsi, Jean Cocteau (1889-1963) s’essaie à « recoudre la peau de la vieille tragédie grecque » pour « la mettre au rythme de notre époque » (Le Cordon ombilical, 1962), avec Antigone (1922), Orphée (1926), La Machine infernale (1934), son chef-d’œuvre qui puise dans l’Œdipe de Sophocle et le Hamlet de Shakespeare.

Jean Giraudoux (1882-1944), avec La Guerre de Troie n’aura pas lieu (1935) et sa « tragédie bourgeoise », comme il la nomme, Électre (1937) essaie de lire la montée des tensions politiques en Europe pour avertir des péripéties funestes qui pourraient arriver, opposant, dans La Guerre de Troie, deux camps : l’un pacifiste, l’autre belliqueux, métaphore des oppositions politiques de l’entre-deux-guerres et du pacifisme forcené de Giraudoux.

Jean-Paul Sartre (1905-1980) se penche sur un théâtre engagé qui puise avec Les Mouches (1943) dans la tragédie antique des Atrides. Mais c’est surtout Jean Anouilh (1910-1987) qui incarne le mieux la réappropriation de la tragédie à sujet mythologique, notamment avec Antigone (1944) représentée durant l’Occupation allemande, appartenant à la série des Nouvelles Pièces noires. Il poursuit cette veine tragique dans plusieurs séries de pièces : Pièces noires (1942). Albert Camus, revisite non plus la mythologie, mais l’histoire antique, avec Caligula, pièce écrite en 1939, mais créée en 1945. La tragédie se teinte de la philosophie désenchantée de l’absurde.