Les sciences humaines sont aussi parfois nommées « sciences de la culture »(notamment dans le champ germanique). C'est que leur objet, l'être humain, se caractérise par une forme d'existence, la culture, que l'on distingue couramment de la nature, entendue comme l'ensemble des êtres non-humains, l'ensemble de ce qui est indépendamment de l'homme.

La distinction entre nature et culture semble être au fondement de la pratique des sciences humaines. Pourtant, cette distinction paraît difficile à maintenir :

  1. les hommes sont aussi des êtres naturels, ils ont un corps qui répond à des processus biologiques, leur vie et l'évolution de l'espèce sont liées à l'environnement, etc. ;
  2. comme l'a montré Philippe Descola (Par-delà nature et culture), certains peuples (comme les chasseurs-cueilleurs d'Amazonie) ne connaissent pas cette distinction, qui a été mise en place au cours de l'histoire occidentale ;
  3. ce que l'on appelle « nature » est bien souvent lié, de manière directe ou indirecte, à l'activité de l'homme.

Le premier problème pose la question d'un possible réductionnisme :

  1. peut-on réduire les phénomènes humains, en particulier psychiques, à un ensemble de considérations biologiques voire chimiques (comme dans les neurosciences) ?
  2. peut-on expliquer les comportements humains par la prise en compte du milieu (biologique, géologique, climatique) dans lequel ils vivent ?

Depuis la fin du XIXe siècle, plusieurs penseurs ont mis en avant la relation complexe entre l'homme et la nature afin de souligner l'autonomie du champ culturel :

  1. Le géographe Paul Vidal de la Blache (1845-1918) a mené une critique du fonctionnalisme, qui expliquait les comportements humains par les contraintes adaptatives qui pèsent sur le genre humain. Il souligne le rôle formateur de la culture qui constitue des « genres de vie » (ensemble des conditions matérielles, nourriture, vêtement, habitat... qui relèvent de la culture, mais en interaction avec le monde extérieur) en modifiant les espaces naturels ;
  2. L'anthropologue Marcel Mauss, dans son Essai sur les variations saisonnières des sociétés eskimos, souligne que les variations saisonnières ne déterminent pas directement les comportements des esquimaux, mais sont des « causes occasionnelles » : les esquimaux transforment les changements de saison en leur donnant une valeur symbolique (l'été est le moment d'une vie laïque, l'hiver d'une vie religieuse). Les éléments naturels ne sont pas de simples causes, mais sont intégrés dans des représentations mentales, modelées par la vie sociale.

Loin d'être opposée à la nature, la culture désignerait plutôt cette capacité de « transformer ses relations avec la nature en transformant la nature elle-même » (Maurice Godelier, L'idéel et le matériel, Avant-propos).