Peut-on conclure de la structure de notre langage à la réalité ? 

Telle est l'une des questions qu'examine Guillaume d'Ockham (XIVe siècle). Pour lui, il n'existe pas de parallélisme entre le langage et la réalité :

celui qui croit que tout se produit dans les choses de la même manière que dans les noms et inversement tombe facilement dans des paralogismes.

Les signes sont en nombre fini alors que les choses sont en nombre infini : il y a donc souvent un signe qui signifie plusieurs choses, et si l’on n’y prend garde, cela produit une série de confusions. Le principe du nominalisme est donc qu'à une distinction entre des mots ne correspond pas nécessairement de distinction entre les choses.

Cela ne signifie pas que le langage ne peut pas nous mettre en contact avec la réalité. Au contraire, les signes renvoient directement aux choses. Pour Ockham, il existe trois types de signes (ou termes) :

  • les termes écrits ;
  • les termes parlés ;
  • les termes pensés, ou concepts.

Cette présentation a trois conséquences :

  • il existe un langage mental, organisé en des phrases et selon une syntaxe ;
  • selon Ockham, et contrairement à Augustin, les mots ne renvoient pas à des signifiés qui renverraient aux choses. Les mots et les concepts renvoient directement aux choses, ils « supposent » pour eux, c'est-à-dire les remplacent dans une proposition ;
  • Entre les signifiants et les concepts, il n'y a pas de relation de renvoi, mais une relation de « subordination » : le concept est la condition de signification du mot : je ne sais ce que veut dire le mot « arbre » que si j’ai le concept d’arbre.

Les mots sont arbitraires (ils dépendent des langues), alors que les concepts sont « naturels » : ils sont causés par la rencontre empirique avec des réalités extérieures. Les signes supposent lorsqu'« on utilise le terme pour quelque chose et ce terme se vérifie de cette chose ou du pronom démonstratif qui la désigne ». La monstration est ce qui ancre le langage dans la réalité.

Cependant, le langage peut s'émanciper du rapport direct au réel : on peut parler de ce qui n'est pas, de ce qui est passé ou futur, on peut parler de réalités universelles alors qu'il n'existe que des réalités singulières et présentes. Le discours universel n'est pas privé de sens, mais il ne faut pas croire qu'au concept universel correspondrait une réalité singulière distincte : la proposition « l'homme est mortel » n'est vraie que si « mortel » suppose pour toutes les réalités singulières, que je peux montrer en disant : ceci est un homme.