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Les échanges, origine de la sociabilité

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Société humaine et conflictualité

Les utopies ont toutes un point commun : elles sont des sociétés sans conflits. Cité idéale, Atlantide, phalanstère, paradis des élus, toutes n'aspirent qu'à pacifier les relations sociales, grâce à différents critères érigés en dogme : absence apparente de hiérarchie, ordre qui s'auto-engendre harmonieusement, urbanisme parfait ou supposé tel, « retour » à une hypothétique nature, ou règne d'amour contemplatif et asexué, autant de tentatives fictives de résolution de la conflictualité sociale, pour accéder à une justice qui semble faire défaut. Comme si une société, pour être juste, demandait que fussent abolies toutes les tensions entre les hommes, et en chaque homme. Un tel présupposé n'est-il pas mythique, sinon contre-productif ? Pourquoi une société juste devrait-elle être une société sans conflits ?

L'organisation étatique de la société

Une société pourrait n'être, hypothèse minimale, qu'un agrégat contingent d'individus. Ou, seconde hypothèse, moins ténue, un agrégat contingent d'individus liés par des intérêts. Mais nous sommes alors encore loin de l'idée d’État ; car l’État désigne non plus une juxtaposition d'individus, mais une coordination d'individus.
L’État est l'acte de mise en relation d'individus, cet acte de mise en relation donnant lieu à des institutions distinctes des individus eux-mêmes. Autrement dit, l’État, au sens plein du terme, est l'architecture de la société (et par conséquent, mais de façon accessoire, l'ensemble des services contribuant à cette architecture). Plus qu'une idée abstraite, il s'agit, en un sens, d'une manière d'être du pouvoir, d'une façon pour le pouvoir d'organiser les rapports d'autorité et d'obéissance.

Société humaine et don

La valorisation sociale du don s'accompagne fréquemment de son cortège médiatique. Ainsi, le don serait, à en croire les apparences, ce moment valeureux où chacun accepterait de renoncer à ses intérêts particuliers pour prendre en considération ceux des autres. Mais, loin des apparences, on doit bien constater que le don n'a pas les mains si pures qu'il le prétend. Car donner, n'est-ce pas aussi, parfois, la meilleure manière d'asservir ? Car « c'est aux esclaves, non aux hommes libres, que l'on fait un don pour les récompenser de s'être bien conduits », écrit Spinoza dans son Traité de l'Amendement de l'Intellect.
Donner, n'est-ce pas instaurer un lien de dépendance qui pourra servir de soubassement à d'autres servitudes sociales, d'autant plus rudes qu'elles se réclameront d'un consentement initial ?

Société humaine et besoins

Sur quoi fonder le « lien » social ? Un tel fondement devrait être universel, durable et peu susceptible de variations. Le désir humain est trop versatile, les rapports de force trop instables, la monnaie trop conventionnelle, c'est-à-dire artificielle, pour être acceptable, selon Aristote dans l’Éthique à Nicomaque : pour rendre un critère acceptable, il faudrait qu'il fût naturel, la nature étant conçue par Aristote comme ferment d'universalité. Mais le besoin est un candidat fiable : la satisfaction du besoin est ce sans quoi l'homme ne peut subsister, et même ce par quoi il perdure dans son être. Ainsi, avec Aristote, on pourrait naturaliser le fondement des liens sociaux : la société, toute de conventions, se grefferait sur une nature qui, en un sens, l'attendrait pour s'accomplir.

Société humaine et intérêts

« Toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels », écrit Montesquieu dans De l’Esprit des Lois. Ainsi, aucun lien entre les hommes ne serait gratuit ; sous le masque de la gratuité se dissimulerait toujours le spectre de besoins ou d’intérêts particuliers qui demanderaient d’être mutualisés. Qu’ils s’affrontent ou s’associent, ces intérêts seraient le moteur inavouable de toute relation humaine. Ce n’est presque que par défaut que les sociétés seraient instituées.
La société ne serait qu’une nécessité sans laquelle il ne nous serait pas possible de réaliser nos intérêts particuliers. Parce que tel homme veut ceci, le voilà contraint à mettre en commun les ressources dont il dispose, pour parvenir plus sûrement à ses fins. Les hommes ne vivraient-ils donc en société que par intérêt ?

Citations

  •  « [La culture] possède une architecture similaire à celle du langage » (Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, 1958).
  • « Détruis la société, et l'unité de l'espèce humaine, par laquelle subsistent les individus, se rompra » (Sénèque, Des Bienfaits).
  • « [L'homme] se taille une place parmi ses compagnons qu'il ne peut souffrir mais dont il ne peut se passer » (Kant, Idée d'une Histoire universelle d'un Point de Vue cosmopolitique, 1784).
  • « La réflexion, en faisant comprendre à l'homme combien l'être social est plus riche, plus complexe et plus durable que l'être individuel, ne peut que lui révéler les raisons intelligibles de la subordination qui est exigée de lui » (Durkheim, Les Règles de la Méthode sociologique, 1895).

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