Émile Benveniste, dans ses Problèmes de linguistique générale, a à la fois prolongé et critiqué la position de Saussure.

Benveniste remarque d'abord (chap. IV) une contradiction dans la définition du signe :

  1. d'un côté comme union d'une image acoustique et d'un concept, ce qui suppose que le signerenvoieà un signifié externe ;
  2. de l'autre comme signe immotivé par rapport à la chose concrète.

Face à cette contradiction, Benveniste invite à distinguer le point de vue du linguiste, qui ne prend en compte que l'ensemble des signes, indépendamment de la relation au réel, et le point de vue du locuteur, pour qui les signes recouvrent la réalité.

Il invite également à prolonger l'analyse structuraliste en ce qui concerne la fonction du langage (et non pas simplement sa forme). Pour Benveniste, le langage « re-produit la réalité » : la communication intersubjective montre comment le langage « recrée » pour l'interlocuteur la réalité qu'il représente pour le locuteur.

Le langage reproduit le monde en le soumettant à son organisation propre. Cette organisation repose fondamentalement sur la distinction entre le je (qui parle) et le tu (à qui il parle) et donc sur le lien social entre les individus. Le langage apparaît comme condition de la pensée en tant qu'il permet de construire :

  1. des symboles (qui désignent la « capacité de retenir d'un objet sa structure caractéristique et de l'identifier ») :
  2. distincts de simples signaux, de réponses réflexes à un signe ;
  3. et sur lesquels il est possible d'opérer.

C'est en apprenant une langue que l'enfant assimile le langage et donc la culture.

Au-delà de ces considérations sur la fonction du langage, Benveniste a affiné « les niveaux de linguistique » en distinguant :

  1. les phonèmes : éléments non segmentables (comme le son d) qui composent un mot et sont substituables : isolés, ils n'ont pas de sens, ils n'en n'ont qu'en composant un morphème (un signe) ;
  2. les signes : composés de plusieurs phonèmes et qui est le niveau du sens. Les signes peuvent être segmentés, mais peuvent aussi intégrer des unités supérieures ;
  3. la phrase : unité qui constitue un tout et n'est pas simplement la somme de ses parties. Elle est segmentable, mais ne peut être intégrée dans une unité plus vaste (le discours n'est qu'un enchaînement linéaire de phrases).

La forme désigne la capacité à former des éléments constituants, le sens des éléments intégrants. Pour Benveniste, le niveau de la phrase et donc du discours a été minimisé par Saussure : c'est pourtant le niveau où s'invente un sens, la « vie même du langage en action ». La phrase est ce qui permet d'être compris du fait de sa fonction :

  1. de désignation : on montre une situation donnée ;
  2. de signification : on intègre plusieurs signes qui font sens.

Et si, logiquement, la langue prime sur l'acte de parole, chronologiquement, « rien n'appartient à la langue qui n'ait été énoncé dans un acte de parole ».