Le monopole de la violence, plus précisément le monopole de la violence physique légitime, est une définition sociologique de l’État développée par Max Weber dans Le Savant et le Politique, qui a été importante en sociologie, mais aussi dans la philosophie du droit et la philosophie politique. Cette expression définit selon lui la caractéristique essentielle de l’État en tant que groupement politique, comme le seul à bénéficier du droit de mettre en œuvre, lui-même ou par délégation, la violence physique sur son territoire.

Premier grand théoricien moderne de la politique, Nicolas Machiavel écrit en 1513 le traité qui le rendra célèbre, Le Prince. Il y décrit notamment les différentes façons d’accéder au pouvoir et de s’y maintenir : l’habileté, l’argent et la violence. S’il ne parle pas de monopole au sujet de la violence physique, il considère cette violence comme consubstantielle à l’État.

Profondément marqué par le climat de guerre civile qui marque la Première Révolution anglaise, Thomas Hobbes développe en 1651, dans son Léviathan, l’idée selon laquelle les hommes, à l’ « état de nature », cherchent uniquement à survivre et ne pensent qu’à une chose : défendre leurs intérêts personnels. Afin d’éviter que se réalise la maxime « l’homme est un loup pour l’homme », il apparaît donc nécessaire qu’une instance supérieure soit chargée de pacifier la société, par la violence s’il le faut. Cette violence est acceptée sous forme d’un contrat social par les habitants, et est gérée par l’État. Par le processus du contrat, la structure étatique obtient le monopole de la violence légitime.

Du point de vue sociologique, le propre de l’État se trouve en réalité dans l’un des moyens qu’il emploie : il est le seul groupement à bénéficier, sur son territoire, de la violence physique légitime. L’élément fondamental de cette définition tient bien sûr dans la légitimité. Acquise par l’effet de la tradition, par le charisme d’un chef ou à l’occasion de règles et d’une procédure acceptée par ses membres, elle offre à ce monopole une certaine stabilité et efficacité, et par voie de conséquence à l’État lui-même.

En posant l’État moderne comme un groupe possédant une autonomie de direction et de réglementation et résultant de trois processus conjoints de monopolisation, de bureaucratisation et de légitimation, Weber arrache l’État aux abstractions philosophiques et juridiques qui l’assimilent à une création contractuelle, à une entité transcendante ou à un cadre normatif. Il lègue ainsi à la sociologie les principaux instruments de compréhension de l’étatisation des sociétés occidentales qui s’est réalisée, justement, sous l’évidence d’une différenciation de l’État et de la société.