Une matière mise en oeuvre devient un matériau. Le bois, le fer, le papier, la toile etc. sont des matières, appelées matériaux à partir du moment où elles sont utilisées pour créer des œuvres d’art. En sculpture, le marbre, grès, bois, l’argile, traditionnellement utilisés, côtoient désormais des matériaux industriels comme plexiglas, plâtre, acier, béton et des matériaux détournés de leur usage initial pour entrer dans la sphère artistique comme des briques de construction utilisées par Auguste Rodin comme socle, des feuilles de salade insérées dans une sculpture de granit par Giovanni Anselmo (Senzo titolo (Struttura che mangia), 1968) ou encore le pollen remplaçant le pigment pour Wolfgang Laib.

Au cours de l’histoire de l’art, les artistes se sont employés à représenter les matières avec leurs caractéristiques (couleurs, textures, lisses, rugueuses, chatoyantes, translucides…), à les utiliser broyées, diluées, fondues, martelées, clouées, soudées, taillées… à les présenter posées, suspendues, compressées, couchées, empilées, détériorées, recyclées… Certains choix de matériaux deviennent volontairement, par leur usage inhabituel, corrélatifs à un geste artistique fort et engagé, comme les 23 kilos de viande de bœuf crue et salée, cousue à la main de la robe Vanitas : robe de chair pour albinos anorexique de Jana Sterbak réalisée en 1987.

Par élargissement, les sons, les mots, les lettres, les odeurs, la lumière, les gestes, les idées, le code, les programmes numériques, les algorithmes… sont devenus des matériaux, malléables, transformables, transportables, présentables.