Le projet, du latin projectum « jeter quelque chose vers l'avant », est à comprendre en art comme la structuration d’une intention en vue de réaliser une œuvre avec les fonctions et potentialités multiples des étapes du processus de création. Le projet est aussi comme l’ensemble des langages et supports permettant la communication de l’idée : dessins préparatoires, maquettes, simulations numériques, photomontages… Et enfin, pour certains artistes, l’idée, le projet font œuvre avec l’intention, le statut de l’action, du faire, le travail à l’œuvre qui se suffisent à eux-mêmes et sont exposés ainsi.

Étudier le projet plutôt que l’œuvre, c’est analyser le processus créatif, l’intentionnalité, la diversité des processus ou des stratégies de l’artiste, la prise en compte des possibilités de l’improvisation, de l’éphémère, de la trace, de l’enregistrement plutôt que le résultat final. Certains artistes font le choix d’exposer le processus créatif et l’œuvre, permettant ainsi au spectateur de suivre les cheminements et les interactions entre l’idée de l’œuvre et sa production, avec parfois une non-directivite de l’artiste, une part de hasard ou d’accident.

Le processus de création permet alors de comprendre comment l’art se fait, quels en sont les techniques, les gestes, les postures, les pratiques, les démarches, où il naît (ateliers, laboratoires, nature, rues, garages, bureau d’études, usines…), en combien de temps il prend forme, combien de personnes interviennent dans ce processus. Le spectateur suit la naissance d’une œuvre de ses balbutiements à sa réalisation aboutie. L’aboutissement étant un choix de l’artiste ou une décision qui s’impose à lui. Parfois, la vie de l’œuvre se poursuit, indépendamment du travail de l’artiste, interrogeant le devenir du projet. En 1926, les deux panneaux du Grand Verre de Marcel Duchamp (titre exact La Mariée mise à nu par ses célibataires, même) sont exposés au Musée de Brooklyn, puis emballés dans une caisse en bois pour être livrés chez Katherine Dreier qui en était propriétaire. La caisse n'est ouverte qu'en 1936 où on constate le bris des panneaux de verre. Marcel Duchamp choisit d'en conserver les brisures et consacre trois mois à assembler les fragments en les emprisonnant dans des plaques de verre plus épaisses. Le Grand Verre est actuellement exposé dans l’état au Philadelphia Museum of Art.