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Le roman et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle

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Le réalisme et le naturalisme

Ces deux mouvements littéraires et artistiques se constituent en réaction au romantisme, trop centré sur l’expression personnelle ; le réalisme vers 1830, le naturalisme à partir de 1860.

  • Les artistes réalistes, écrivains et peintres, souhaitent représenter la réalité avec l’exactitude et rendent compte de tous les milieux sociaux de leur époque.
  • Les naturalistes s’appuient sur les théories de l’hérédité en décrivant le monde social de manière scientifique. C’est autour de la figure d’Émile Zola que se constitue ce groupe.
  • Les principes d’écriture sont le point de vue interne, la multiplication des descriptions, la retranscription du langage populaire et le discours indirect libre.
  • Leurs représentants les plus connus sont Zola, Maupassant, Flaubert, etc.

Discours et récit dans le roman et la nouvelle

Le narrateur est la voix qui raconte l’histoire, prenant en charge la situation d’énonciation, tout en mettant en scène ses personnages.

  • Dans le discours, énoncé ancré dans la situation, le locuteur est présent dans son énoncé : un « je » parle à un « tu ». Le narrateur utilise les temps du discours, présent, passé composé, futur. L’énoncé s’inscrit dans un lieu et un temps donnés (ici, maintenant).
  • Dans le récit, le locuteur s’efface et l’énoncé est le plus souvent à la troisième personne du singulier. Les temps du récit sont l’imparfait et le passé simple. L’énoncé s’inscrit dans un lieu et un temps indépendants de la situation d’énonciation.
  • Dans un récit, le narrateur peut intervenir pour donner son opinion. Récit et discours se mêlent.

La description dans le récit

La description constitue une pause de l’action dans le récit. Le narrateur donne alors des informations sur un personnage, un lieu, une situation ou un objet.

  • Les verbes sont conjugués à l’imparfait s’il s’agit d’un récit au passé, mais peuvent également être au présent.
  • Les expansions du nom, adjectifs qualificatifs, compléments du nom et propositions relatives, sont nombreuses.
  • La description est structurée autour d’indices spatio-temporels : « au-dessous », « au-delà », etc.
  • Son lexique est celui des sens, des impressions, voire des émotions.
  • Elle est souvent appréciative, valorisante ou dévalorisante, mais peut également être objective.
  • Les verbes sont souvent des verbes d’état : paraître, sembler, demeurer, etc.

Elle est indispensable dans le cadre d’un récit.

Les discours rapportés

Dans le cadre d’un récit, le romancier peut décider de rapporter les paroles de ses personnages de quatre façons différentes.

  1. Le discours direct restitue exactement les paroles, comme au théâtre : la ponctuation y est expressive et les propos sont entre guillemets ou avec des tirets.
  2. Le discours peut être inséré dans le récit indirectement : « Il proposa d’en reparler plus tard. »
  3. Il peut être inséré dans le récit, tout en reprenant les intonations des personnages : « Dès le lendemain, il la tuerait ! »
  4. Le discours narrativisé se fond dans le récit et les paroles sont résumées : « Il s’énerva et annonça sa vengeance pour le lendemain. »

Le roman moderne aime à mêler ces différents types de discours rapportés pour faire entendre plusieurs voix (polyphonie).

Les temps du récit

  • Le temps habituel du récit au passé est le passé simple. Il traduit les actions essentielles de premier plan, celles qui font avancer l’histoire.
  • Il se combine avec l’imparfait qui est utilisé pour l’arrière-plan, les descriptions ou éléments secondaires de l’histoire. Il peut recouvrer différents aspects comme la répétition et l’habitude (« Tous les soirs, il se rendait ici même. »)
  • Le passé antérieur et le plus-que-parfait, temps composés, sont utilisés pour marquer l’antériorité par rapport à l’action de premier plan.
  • Le présent de narration peut dans certains cas remplacer le passé simple ou l’imparfait dans un récit au passé. Il donne ainsi l’impression au lecteur que les faits se déroulent sous ses yeux. Il peut aussi être utilisé pour dramatiser l’événement.

Le personnage de roman et la dimension scientifique

Zola définit le naturalisme comme une « formule de la science moderne appliquée à la littérature ». Ce courant se base sur les recherches et les progrès scientifiques propres à la deuxième moitié du siècle. Le romancier se fait observateur de la nature humaine.

Les travaux de Claude Bernard (1813-1878), médecin et physiologiste français, considéré comme le fondateur de la médecine expérimentale, intéressent les romanciers. Il tente d’expliciter les relations de cause à effet qui existent entre les milieux et les personnages, et d’étudier l’hérédité. La démarche scientifique s’oriente essentiellement sur la diversité sociale.

Le romancier naturaliste, et plus particulièrement Zola, doit connaître les milieux avec précision. Après s’être documenté, il compose un vaste arbre généalogique dans lequel figurent tous les membres de la famille des Rougon-Macquart. Les Rougon-Macquart sont marqués par une double hérédité : 

  1. La folie
  2. L’alcoolisme

Evoluant dans différents milieux, ils deviennent de véritables sujets à observer. Ainsi, Gervaise évolue dans le milieu des blanchisseuses : Zola montre, dans L’Assommoir, sa déchéance progressive et la détérioration de sa famille sous l’effet de l’alcool. Dans Germinal, Étienne Lantier, son fils, évolue dans le milieu de la mine, dans le Nord de la France, en pleine crise industrielle ; Jacques Lantier, son second fils, dans le milieu ouvrier, dans La Bête humaine : il est marqué par l’hérédité familiale de la folie. Il a le désir enfoui de tuer. Claude Lantier, dans L’Œuvre, évolue lui dans le milieu de l’art. Nana, sa fille, se prostitue pour tenter d’échapper à son triste destin. Elle incarne dans le roman éponyme, la société corrompue du Second Empire. Eugène Rougon, dans le milieu politique, participe au coup d’État du 2 décembre 1851, entre au Sénat et au Conseil d’État et finit ministre de l’Intérieur. Son ascension politique est décrite dans Son Excellence Eugène Rougon. Aristide Saccard, dans La Curée, évolue dans le milieu de la spéculation immobilière dans le Paris du Second Empire, celui des transformations urbaines et architecturales.

Comparant son œuvre à celle de Balzac, Zola déclare dans Documents et plans préparatoires (1870) : 

« Mon œuvre sera moins sociale que scientifique. Balzac, à l’aide de trois mille figures, veut faire l’histoire des mœurs : il base cette histoire sur la religion et la royauté (…) Mon œuvre, à moi, sera tout autre chose. Le cadre en sera plus restreint. Je ne veux pas peindre la société contemporaine, mais une seule famille, en montrant le jeu de la race modifiée par les milieux ». 

La volonté de Zola de montrer des êtres singuliers étudiés dans les moindres détails connaît tout de même quelques écueils. Le romancier est victime de nombreuses critiques, dont celle qui consiste à lui reprocher de ne s’intéresser qu’à l’« ordure » sociale et de faire de la littérature « putride ». On lui fait remarquer que les hommes ne sont pas des sujets de laboratoire sur lesquels il peut agir. La démarche scientifique du roman est limitée car le romancier transforme la documentation en fiction. La démarche naturaliste est vouée à l’échec dans la mesure où le roman est trop marqué par la science.

La dimension sociologique du personnage

Le roman du XIXème siècle veut aussi montrer les personnages influencés par la société. Il les présente comme des types sociaux sur lesquels il veut s’attarder pour faire réfléchir le lecteur. Dans Le Colonel Chabert (1832-1835), un officier napoléonien, supposé mort, réapparaît une dizaine d’années plus tard et tente de retrouver la place qu’il a perdue dans la société.

Cette volonté de montrer les différents types sociaux est omniprésente dans les œuvres de Balzac qui veut « faire concurrence à l’état civil ». 

« Avec beaucoup de patience et de courage, je réaliserais sur la France au XIXe siècle, ce livre que nous regrettons tous que Rome, Athènes (…), l’Inde, ne nous ont malheureusement pas laissé sur leurs civilisations. »

Le travail du romancier est, selon Balzac, celui d’un historien et d’un sociologue. Les romans deviennent des documents sur l’état de la société du XIXe siècle et les personnages en sont les acteurs principaux. Le romancier s’intéresse donc à toutes les figures possibles de personnages et certains auteurs, comme Zola, témoignent d’un grand intérêt pour le peuple qu’il observe. Il se documente, constitue des dossiers enrichis de notes, de photos et de croquis pour composer ses personnages.

La dimension psychologique du personnage

Même si l’on considère La Princesse de Clèves comme le modèle du genre concernant l’analyse psychologique, les auteurs romantiques poursuivent cette démarche esquissée au XVIIème siècle dans la perception du « moi ». Ils veulent montrer l’individu en profondeur en dévoilant ses passions, ses contradictions et ses interrogations à travers le « je ».

Dans René (1802), Chateaubriand (1768-1848) présente un jeune homme qui porte le même prénom que son auteur et qui s’exprime à la première personne.

« J’écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays le chant naturel de l’homme est triste, lors même qu’il exprime le bonheur. Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs »

Dans la préface de son roman Delphine, Madame de Staël (1766-1817) évoque sa démarche concernant le personnage romanesque :

« Observer le cœur humain, c’est montrer à chaque pas l’influence de la morale sur la destinée (…). C’est ainsi que l’histoire de l’homme doit être représentée dans les romans ; c’est ainsi que les fictions doivent nous expliquer, par nos vertus et nos sentiments, les mystères de notre sort ».

Les romanciers romantiques sont caractérisés par une forte volonté de montrer à travers leurs personnages une vérité morale. Le personnage devient aussi un outil pédagogique lorsqu’il évoque la passion amoureuse, comme c’est le cas pour Madame de Rênal dans Le Rouge et le Noir ou la jalousie du Comte Mosca dans La Chartreuse de Parme. L’alternance des points de vue permet d’aller toujours plus loin dans l’approfondissement de la psychologie des personnages.

Les caractéristiques du personnage

Le personnage est doté d’une identité : 

  • Il peut être désigné par :
    • un nom,
    • un prénom,
    • un surnom,
    • une origine sociale,
    • un titre,
    • une place dans un groupe social ou familial.
  • Il est défini selon un portrait :
    • portrait physique, d’un point de vue externe ;
    • portrait moral, à travers sa personnalité et son caractère, mis en place le plus souvent à travers les pauses que fait le narrateur dans son récit.
  • Son portrait peut être aussi défini selon :
    • sa façon de s’exprimer,
    • son niveau de langue, transmis par des monologues intérieurs ou grâce à ses interventions au discours direct.
  • Il est aussi défini au travers de son évolution dans le récit. 

Son portrait devient complet lorsque d’un état initial (début du roman), il atteint un état final (fin du roman). Dans Bel Ami (1885), le personnage Georges Duroy, arriviste absolu, finit par devenir Georges Du Roy, nom dont la particule prend toute son importance concernant son portrait.

Certains épisodes ont aussi un rôle primordial pour le faire évoluer :

  • rencontres,
  • conflits,
  • relation amoureuse...

Le personnage romanesque

Dans Pour un nouveau roman (1963), Alain Robbe-Grillet propose une définition du personnage de roman et précise que, sans personnage, le roman n’est pas réalisable. 

« Un personnage, tout le monde sait ce que le mot signifie. Ce n’est pas un « il » quelconque, anonyme et translucide, simple sujet de l’action exprimée par le verbe. Un personnage doit avoir un nom propre (…). Il doit avoir des parents, une hérédité (…), il doit posséder un « caractère », un visage qui le reflète, un passé qui a modelé celui-ci et celui-là. Son caractère dicte ses actions, le fait réagir de façon déterminée à chaque événement ».

Le personnage de roman est un élément essentiel du genre romanesque. Il est ce que le lecteur gardera plus facilement en mémoire. On retiendra plus facilement dans L’Assommoir, le personnage de Gervaise, au détriment de nombreux événements présents dans le roman. 

Le nom du personnage fait souvent office de titre de roman, lui donnant ainsi un rôle essentiel et central : 

  • Pierre et Jean,
  • Nana,
  • Madame Bovary,
  • Le Père Goriot…

Le personnage de roman a évolué selon les époques et les différentes finalités du genre : 

  • héros mythologique,
  • chevalier dans la chanson de geste,
  • géant à la Renaissance,
  • héros idéalisé dans le roman précieux,
  • individu ordinaire au XIXème siècle,
  • ouvrier,
  • paysan,
  • prostituée,
  • silhouette anonyme pour le « Nouveau Roman »…

Roman et analyse sociologique

Outre sa vocation à caractère politique, le roman revêt aussi une fonction sociologique. Le romancier propose d’analyser les fonctionnements sociaux grâce aux comportements humains. La démarche du romancier suit une voie particulière qu’elle emprunte à la démarche expérimentale.

Dans sa préface à la Comédie Humaine, Balzac expose clairement se démarche qui consiste à classer les types sociaux à la manière de Buffon avec l’espèce animale. Cette entreprise est, selon le romancier, le meilleur moyen de connaître les mécanismes propres à une époque et ainsi de considérer la relation qu’ils entretiennent avec l’histoire, la politique et l’économie de leur époque. Il tente de cette façon de recomposer une société entière en affirmant que la fiction est presque plus authentique que la réalité. 

« La société ne fait-elle pas de l’homme, suivant les milieux où son action se déploie, autant d’hommes différents qu’il y a de variétés en zoologie ? Les différences entre un soldat, un ouvrier (…), un homme d’État, un commerçant, un marin, un poète, un pauvre, un prêtre, sont, quoique plus difficiles à saisir, aussi considérables que celles qui distinguent le loup, le lion, l’âne, le corbeau (…) il existera de tout temps des Espèces Sociales comme il y a des Espèces Zoologiques. » — Avant-propos de la Comédie humaine (1842).

Les romanciers naturalistes veulent aller encore plus loin en décrivant minutieusement et scientifiquement les milieux sociaux. 

En 1863, le critique Castagnary déclare :

« L’école naturaliste affirme que l’art est l’expression de la vie sous tous ses modes et à tous les degrés et que son but unique est de reproduire la nature. C’est la vérité s’équilibrant avec la science.»

Les naturalistes ont pour principale tâche de comprendre les comportements humains dans la société, de les observer et de les considérer en fonction de leur hérédité et de leur classe sociale.

Dans Le Roman expérimental (1880), Zola affirme :

« L’homme ne vit pas seul, il vit dans une société, dans un milieu social, et dès lors pour nous romanciers, ce milieu modifie sans cesse les phénomènes. Même notre grande étude est là, dans le travail réciproque de la société. (…) Nous cherchons les causes du mal social ; nous faisons l’anatomie des choses et des individus pour expliquer les détraquements qui se produisent dans la société et dans l’homme ».

Souvent indissociables, le réalisme et le naturalisme proposent des thèmes communs dans leur manière d’appréhender la société puisqu’ils entendent traiter de sujets contemporains et insistent sur l’aspect social de l’observation : 

  • la peinture de la société - tous les milieux sociaux sont passés en revue, même si le réalisme a tendance à se focaliser sur la bourgeoisie tandis que le naturalisme s’intéresse davantage aux classes populaires ; la ville, lieu propice à l’étude des mœurs ; 
  • le déterminisme et l’hérédité - le réalisme s’attache davantage au contexte historique qui permet une meilleure compréhension des personnages, le naturalisme se sert de l’histoire pour mettre en relief l’aspect social ; 
  • l’argent qui donne lieu à l’analyse de son rapport avec le pouvoir et le sexe dans la société ; 
  • le mariage qui permet d’analyser les individus dans leur vie de couple, au sein de leur famille ; 
  • les femmes, traitées sous tous les aspects.

Le roman, reflet de la société

Le roman évolue selon les époques

Au XVIIème siècle, il est apprécié essentiellement pour la peinture de l’aristocratie, pour la complexité de ses intrigues amoureuses mises en œuvre grâce à un style recherché propre à la volonté de faire du personnage un modèle de vertu. Il répond aussi aux exigences d’une société intéressée par les modèles antiques et les grands thèmes du tragique.

Les Philosophes des Lumières 

Ils font du roman une véritable arme de contestation. Entre fiction et réalité, il dénonce toutes les tares de la société du XVIIIe siècle. Ainsi les romans sont mis au service d’une critique sociale, politique et religieuse.

Les romanciers du XIXe siècle

Ils s’intéressent à tous ceux dont le destin était considéré comme inintéressant et qui deviennent alors sources d’inspiration. Chez les romanciers réalistes et naturalistes, essentiellement, le reflet de la société s’étend : aux petits bourgeois, aux paysans, au prolétariat, aux bas-fonds de la société (criminels, prostituées…).

Le contexte historique et social qui sert de décor au roman est un élément indispensable pour le rendre efficace. Dans le cas où un romancier décide d’écrire sur son époque, il se fait témoin en donnant des informations à ses contemporains et aux lecteurs à venir. S’il décide de s’intéresser à une époque passée, il doit tout faire pour transporter le lecteur dans une société qui lui est inconnue. Pour cela, un travail de recherche est nécessaire.

Le roman, en tant que reflet de la société, est une source inépuisable de connaissances. Les guerres ont donné lieu à de nombreuses œuvres romanesques. Le contexte historique et politique est donc un moyen pour les auteurs d’offrir une image proche de la réalité de la société et de la dénoncer ou de la louer. 

  • Dans ses Lettres persanes, Montesquieu parvient entre autres à dresser une satire de la monarchie et plus particulièrement du règne de Louis XIV. 
  • Dans Les Misérables, Victor Hugo met en scène toute une humanité accablée par la société. 
  • Nana (1879) de Zola met en scène son héroïne éponyme, fille de Gervaise Macquart, morte dans la misère à cause de l’alcool, devenue femme entretenue pour échapper à son destin. Elle incarne la société du Second Empire, hypocrite, corrompue et avide de plaisirs, mais désireuse de préserver les apparences.

Lieux et temps dans le récit

Pour raconter une histoire, le narrateur doit considérer l’espace et le temps pour mettre en place le cadre spatio-temporel.

  1. Les lieux dans le récit

Ils sont représentés sous différents aspects dans un roman. Ils donnent lieu à de nombreuses descriptions plus ou moins longues. L’évocation des lieux chez Balzac fait l’objet de passages descriptifs particulièrement longs, ce qui confère au texte une impression de réalisme. Le décor devient un élément indispensable pour susciter l’imagination du lecteur qui doit pouvoir se représenter précisément l’endroit où se trouve le personnage. Le lieu est aussi un moyen efficace de montrer l’interaction qui existe entre lui et le comportement des personnages. La description des lieux permet de se représenter une scène au même titre que pourrait le faire une image fixe.

  1. La temporalité dans le récit

Le narrateur choisit les moments qui lui semblent les plus opportuns pour décrire la situation des personnages. Il peut opter pour une narration chronologique mais aussi refuser cet ordre et mettre en place des retours en arrière pour souligner l’importance de certains faits. Dans tous les cas, il use de connecteurs chronologiques. Il peut jongler avec la durée des événements dans la fiction et leur durée dans la narration. Dans Une Vie de Guy de Maupassant, la fiction se déroule de 1819 à 1848, soit une trentaine d’années étalées sur environ deux cents pages. Dans le chapitre I, les faits racontés durent deux jours, tandis qu’ils sont développés sur dix-sept pages. A l’inverse, le narrateur décrit sur seize pages des événements d’une durée de deux mois et huit jours.

Les points de vue

Raconter une histoire dans un roman, ou dans d’autres genres narratifs, demande au narrateur de donner à voir ce qu’il raconte. Dans les récits à la troisième personne, le narrateur organise l’histoire en fonction d’un point de vue que définissent la nature et la quantité des informations données au lecteur.

Le point de vue (appelé aussi focalisation) se définit selon trois orientations : 

  • le point de vue omniscient,
  • le point de vue externe,
  • le point de vue interne.

  1.  Le point de vue omniscient

Le point de vue omniscient, que l’on appelle aussi "focalisation zéro", permet au narrateur de tout savoir sur l’histoire, sur les personnages, sur les lieux, sur l’époque, sur le passé et même l’avenir, et sur tout ce que peuvent ressentir les héros. Le narrateur, dans ce cas, peut aussi dévoiler au lecteur ce que le personnage ne sait pas. 

« Retournons en arrière, c’est un des droits du narrateur, et replaçons-nous en l’année 1815, et même un peu avant l’époque où commence l’action racontée dans la première partie de ce livre », (Hugo, Les Misérables).

  1. Le point de vue externe

Le point de vue externe, appelé aussi focalisation externe, permet au narrateur de présenter les faits et les personnages comme s’ils étaient vus de l’extérieur, par quelqu’un d’étranger au récit. Le lecteur ne connaît que l’aspect extérieur du personnage et ne peut savoir ce qu’il ressent véritablement. Ce choix narratif suscite aussi la curiosité du lecteur et le met au même niveau que le narrateur concernant la connaissance des personnages.

« Vers la fin du mois d’octobre dernier, un jeune homme entra dans le Palais-Royal au moment où les maisons de jeu s’ouvraient, conformément à la loi qui protège une passion essentiellement imposable. », La Peau de chagrin (1830), Balzac.

  1. Le point de vue interne

Le point de vue interne, ou la focalisation interne, dans lequel le narrateur n’est en mesure de dire que ce que le personnage voit ou pense. Sa connaissance des faits se limite au savoir du personnage. Le lecteur peut ainsi partager ses perceptions, ses émotions et ses pensées. Ce point de vue favorise la compréhension du personnage de l’ « intérieur » et permet plus facilement l’identification. Le narrateur peut néanmoins adopter le point de vue de plusieurs personnages.

« Fabrice s’aperçut que, de cette grande hauteur, son regard plongeait sur les jardins, et même sur la cour intérieure du château de son père. Il l’avait oublié. », La Chartreuse de Parme, Stendhal.

A l’intérieur d’un même récit, l’alternance des points de vue est possible. Un début de roman peut proposer un point de vue externe et ensuite mettre en place une focalisation zéro ou une vision interne, de sorte à donner le maximum d’éléments au lecteur.

Lecteur et narrateur

Le narrateur s’adresse au lecteur avec qui il crée un rapport privilégié. Il arrive parfois que la présence de la deuxième personne du singulier (ou du pluriel) soit clairement évoquée dans un roman. On suppose alors que le destinataire privilégié est le lecteur. Le narrateur tente ainsi de créer une complicité plus marquée avec lui. Si le lecteur n’est pas toujours désigné par le « tu » ou le « vous », il n’en reste pas moins que c’est à lui que s’adresse celui qui parle.

Cette relation particulière peut aussi être mise en place dès l’incipit où l’auteur/narrateur s’adresse au lecteur pour justifier ses choix d’écriture ou pour permettre à son destinataire d’entrer plus facilement dans le cœur du récit. 

Dans Le Père Goriot, le narrateur s’adresse directement au lecteur lorsqu’il décrit la pension misérable de Madame Vauquer :

« Eh ! bien, malgré ces plates horreurs, si vous le compariez à la salle à manger, qui lui est contiguë, vous trouveriez ce salon élégant et parfumé comme doit l’être un boudoir ».

Un récit n’est possible qu’à travers la présence du narrateur qui rapporte les actions des personnages.

Dans un récit fictif, on distingue l’auteur (qui signe l’œuvre) du narrateur (qui raconte l’histoire). La présence du narrateur peut être nettement marquée dans un roman, mais il peut tout aussi bien être extérieur au récit : lorsqu’il est extérieur au récit, sa présence est marquée par la troisième personne du singulier sans aucune présence du « je ».

Dans Germinal, le récit est mené à la troisième personne, le narrateur est donc extérieur à l’action :

« Elle s’était relevée sur les genoux, il la voyait tout près de lui, éclairée par les deux lampes. »

Il peut aussi être présent dans le texte en tant que personnage. 

Dans L’Étranger (1942) de Camus, le narrateur/le personnage de Meursault s’exprime à travers la première personne : 

« Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi ».

Le « je » peut aussi être mis en œuvre sans que le narrateur soit un personnage du roman. Il peut tout simplement donner son avis sur les personnages ou sur la société dans laquelle ils évoluent. 
C’est le cas du narrateur dans Le Rouge et le Noir de Stendhal qui intervient pour porter un jugement sur le personnage de Julien :

« J’avoue que la faiblesse dont Julien fait preuve (…) me donne une pauvre opinion de lui. »

Dans certains romans, essentiellement contemporains, on assiste à un phénomène original qui consiste à mener un récit à l’aide de deux narrateurs. C’est le cas pour L’Élégance du hérisson (2006) de Muriel Barbery où deux narratrices, Renée une concierge de cinquante-quatre ans et Paloma une jeune adolescente de douze ans, se partagent la narration.

La structure du récit romanesque

Dans la plupart des cas, la structure du roman répond à un schéma simple :

  • incipit ;
  • déroulement (marqué par des étapes, des chapitres ou des parties) ;
  • épilogue.
  1. L’incipit

L‘incipit est un terme latin désignant le commencement. Dans le cas d’un roman, il s’agit des premières pages, voire des premières lignes. L’incipit revêt un rôle primordial puisque, au même titre que la scène d’exposition au théâtre, il permet de mettre en place l’intrigue, de présenter le contexte socio-culturel et de donner des informations sur les héros. Parfois, il peut laisser volontairement le lecteur dans le flou afin de l’inciter à poursuivre sa lecture. Dans Une Vie de Maupassant, le chapitre I permet au lecteur de faire connaissance avec le personnage de Jeanne, avec son univers et ses illusions. Celui-ci comprend alors les aspirations de l’héroïne. Il découvre aussi à qui appartient cette « vie » dans laquelle il va se plonger.

  1. Le déroulement

Le déroulement est caractérisé essentiellement par des péripéties, des retours en arrière et des ellipses. Le récit est organisé par le narrateur qui met en scène des faits, des lieux et le temps. Tous les événements renvoyant à des périodes différentes sont mis en œuvre à travers des retours en arrière. Les temps verbaux deviennent alors des outils indispensables pour mener à bien le récit. Le narrateur doit aussi faire un choix dans les faits racontés. Il a alors recours à des ellipses au profit parfois de longues digressions lorsque certains événements nécessitent d’être racontés en détails. Il faut aussi discerner le temps de la fiction et celui de la narration.

  1. L’épilogue

L‘épilogue est la fin d’un récit grâce à laquelle le lecteur a toutes les réponses. Le lecteur peut aussi être invité à méditer sur le sort des personnages et sur l’éventuelle suite à donner à leur destin. Madame Bovary s’ouvre sur une scène de classe où Charles Bovary enfant laisse entrevoir la personne qu’il deviendra. À la fin du roman, après la mort de Emma, il découvre ses infidélités et rencontre un de ses amants, ce qui le pousse à se donner la mort, laissant seule leur fille Berthe.

Les principales fonctions du roman

La fonction première du roman est de divertir le lecteur au moyen d’une histoire racontée mettant en scène des héros renvoyant à la réalité. Grâce à l’identification au personnage et au décor mis en place, le lecteur peut s’évader de son quotidien et découvrir des mondes ou des sociétés nouvelles.

Tout en divertissant le lecteur, le roman lui permet aussi de s’instruire : en lui montrant, par exemple, le fonctionnement de certaines sociétés, en lui relatant un événement historique, en lui renvoyant une image de l’homme et donc de lui-même, en le faisant réfléchir sur toutes les questions que se pose l’être humain, en partageant des idées et en dénonçant, au moyen de la narration, tout ce qui semble contestable.

Les différentes formes du genre romanesque

Il existe plusieurs types de romans.

  1. Le roman historique

Le roman historique a pour vocation de faire revivre un passé plus ou moins éloigné. Il met en scène des personnages fictifs qui côtoient des personnages réels (Toutankhamon, Napoléon, Hitler…). Dans Le Roman de la Momie (1858), Théophile Gautier (1811-1872) évoque l’Egypte ancienne.

  1. Le roman d’analyse

Le roman d'analyse privilégie l’étude psychologique des personnages en pénétrant leur conscience pour s’interroger sur les raisons qui les poussent à agir. 

Exemples :

  • La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, 
  • Thérèse Desqueyroux (1927) de François Mauriac (1885-1970).
  1. Le roman de mœurs 

Le roman de mœurs se propose de peindre les milieux sociaux. Le destin des personnages est inévitablement lié au contexte social et politique.

Exemples :

L’ensemble des romans composant :

  • La Comédie humaine de Balzac,
  • Le cycle des Rougon-Macquart de Zola.
  1. Le roman épistolaire

Le roman épistolaire, constitué uniquement de lettres fictives, met en scène, le plus souvent, plusieurs correspondants. 

Exemples :

  • Les Lettres persanes (1721) de Montesquieu (1689-1755),
  • Les Liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos (1741-1803).
  1. Le roman d’apprentissage

Le roman d'apprentissage décrit l’évolution affective, morale et parfois sociale du personnage.

Exemple :

  • L’Éducation sentimentale de Flaubert.
  1. Le roman d’aventures 

Le roman d'aventures est constitué de nombreuses péripéties et privilégie la succession d’actions. Il met en scène un héros chargé d’accomplir des missions presque impossibles. Ses héros peuvent parfois être des vagabonds ou des voleurs.

Exemples :

  • L‘Histoire de Gil Blas de Lesage (1668-1747),
  • Robinson Crusoé (1719) de Daniel Defoe (1660-1731).
  1. Le roman à thèse

Le roman à thèse a la vocation de dénoncer un fait ou une situation qui semble contestable. Il cherche à faire réfléchir le lecteur sur les dangers de la société.

Exemple :

  • Le roman d’anticipation 1984 (1949) de George Orwell (1903-1950).
  1. Le roman populaire

Le roman populaire rencontre un grand succès grâce à la simplicité de la narration et des intrigues. Il peut prendre la forme du roman-feuilleton, à caractère social. Le roman-feuilleton est une œuvre publiée par épisodes, le plus souvent dans les journaux.

Exemple :

  • Les Mystères de Paris (1842-1843) d‘Eugène Sue (1804-1857).
  1. Le roman autobiographique

Le roman autobiographique se situe entre réalité et fiction, entre biographie et œuvre romanesque. Les héros, très souvent réels, sont présentés comme imaginaires.

Exemple :

  • L’Amant (1984) de Marguerite Duras.
  1. Le roman policier

Le roman policier naît avec la révolution industrielle. Il met en scène une enquête menée par un policier ou un détective privé. Le narrateur brouille les pistes pour mieux surprendre le lecteur et le tenir en haleine.

Exemples :

  • Le Chien des Baskerville (1902) d‘Arthur Conan Doyle (1859-1930),
  • Le Nom de la Rose (1980) d‘Umberto Eco.

Le naturalisme

Le naturalisme prolonge le courant réaliste. Les auteurs naturalistes, dont Zola est le chef de file, sont motivés par un souci de documentation et d'observation objective. Les naturalistes veulent conférer à la littérature une dimension scientifique. Ils s'attachent à faire ressortir les conditions physiologiques des personnages et l'influence des milieux sociaux qui les déterminent.

Influencé par Claude Bernard et son « Introduction à la médecine expérimentale », et par les travaux du docteur Lucas sur l‘hérédité, Zola s‘adonne à l‘écriture naturaliste. Il définit l‘esthétique naturaliste dans une œuvre théorique intitulée « Le Roman expérimental », publiée en 1880. Le romancier s‘apparente à un expérimentateur qui base ses travaux sur l‘observation comme le fait Claude Bernard. Le naturalisme domine les milieux littéraires après 1870.

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