143 millions de réfugiés climatiques entre 2018 et 2050 (prospective de la Banque mondiale) recouvrant des réalités individuelles très diverses.
Changement global de l’environnement = ensemble des mutations d’origines naturelles impliquant l’ensemble de la planète (selon l’acception de « globalisation », système de lieux connectés dans un système à portée planétaire ; à distinguer de « mondialisation » qui renvoie à la contraction de l’espace-temps à l’échelle mondiale et de ses implications spatiales) : réchauffement planétaire, augmentation des risques climatiques, déforestations, déplacement des aires d’endémisme de maladie… et leurs conséquences sur les populations et leurs territoires.
Inégalités = disparités perçues, construites et traitées socialement dans le monde – en matière d’accès aux biens, aux ressources et aux services.
Enjeux de mesure des causes et conséquences socio-économiques, d’analyse des implications spatiales trans-scalaires, mais surtout de représentations et de justice spatiale face aux risques et contraintes accrus.
Problématique : Pourquoi les modifications planétaires de l’environnement exacerbent-elles les questionnements de l’injustice spatiale ?
NB : Chaque candidat est à même de conceptualiser, spatialiser et référencer ; mais également : nuancer, critiquer et préciser ses propres exemples et réflexions à l’appui du plan détaillé suivant.
I - Les risques globaux et leurs implications spatiales inégales (analyse spatiale trans-scalaire)
A - Le réchauffement planétaire fragilise les milieux. Leurs mutations induisent des disparités socio-économiques.
- Fonte du pergélisol touche les infrastructures et les villes de l’Arctique (Nourilsk).
- Sécheresses plus fréquentes au Sahel bouleversent les rapports socio-économiques entre agriculteurs et éleveurs (conflits d’usage des ressources au sud du Tchad) : dessiccation ou salinisation de sols qui attaquent la productivité des terres arables.
- Augmentation des incendies dans les climats méditerranéens (ex : Californie ou Australie), accélération des éboulements de terrains dans les anciennes montagnes glacières.
B - La hausse du niveau des océans frappe les « centres économiques et démographiques » des états.
- Submersion des grands deltas très densément peuplés (Nil).
- Risque de submersion des grandes mégalopoles et métropoles littérarisées qui sont les pôles moteurs de la mondialisation (Shanghai, New-York, Londres…).
- Risque de submersion complète des états insulaires (Vanuatu).
C - L’extension et la densification de l’œcoumène entre en collision avec la nature : ce qui renforce les situations d’inégalités.
- Déforestation croissante selon une structure de « fronts pionniers » au dépend des populations autochtones traditionnelles (Amazonie, Afrique équatoriale, Bornéo, Arctique russe et canadien…).
- Artificialisation croissante des zones soumises aux aléas, soit espaces de relégations / soit d’attractivité par la proximité à une aménité territoriale (front de mer, cours d’eau) : inégalité spatiale dans les zones à risque.
- Transition vers des latitudes plus élevées des zones d’endémisme de maladies « tropicales » (paludisme, dengue, chikungunya) : nouvelles vulnérabilités pour des populations dépourvues d’immunité naturelle.
- Face au risque de pandémies mondiales (COVID-19) : vulnérabilité accrue des populations âgées, pauvres, rurales (dépourvues de systèmes de santé), urbaines (à forte concentration démographique)… les populations des isolats sont-elles plus protégées ?
Transition : comment ces risques sont-ils gérés, reçus, perçus par les populations ?
II - Les risques d’origines naturelles révélateurs et créateurs d’injustices spatiales (autour de la capabilité sociétale).
A - Vulnérabilités dissymétriques entre les pays développés et les pays les moins développés.
- Conséquences majoritairement matérielles pour les pays développés (car concentration de richesses dans les espaces impactés, mais capacités de prévention et protection) (Union européenne).
- Conséquences majoritairement humaines pour les espaces les moins développés (car faible valeur matérielle dans les zones impactées, mais faible capacité de prévention et protection) (Bangladesh).
- Stratégies très inégales de prise en charge des risques par les pouvoirs publics (zonage, plan de secours d’urgence…).
B - Les stratégies individuelles renforcent les inégalités locales face aux risques.
- Capacités de résilience individuelle locale, acceptabilité des risques et des inégalités induites sont corrélées au capital financier et culturel des familles, aux cultures politiques nationales et au niveau de connexion aux réseaux d’information mondialisé (mobilisation médiatique des Inuits ou des Amérindiens d’Amazonie sur internet).
- Sentiment de sécurité globale pour les populations développées qui induit soit une inconscience des risques climatiques / soit une intolérance à la moindre prise de risque : choix individuels de résidence et comportements dans l’espace très inégalitaires face aux risques (ex : La Faute-sur-mer, 2010).
- Maintien d’une conscience des risques locaux traditionnels dans les sociétés autochtones ayant conservé leurs mythes et leurs croyances / déracinements et inconscience des risques locaux pour les migrants récents (migrants dans les bidonvilles flottants de Lagos).
C - « Réfugiés climatiques », les injustices derrière une diversité de stratégies d’évitement.
- La résilience généralisée et homogène est une utopie face à l’ampleur des mutations climatiques.
- L’émigration individuelle ou collective est un choix d’évitement des contraintes (environnementales, économiques et sociales), une solution de survie face aux risques de plus en plus récurrents (sécheresses, incendies, transgression marine, tempêtes…).
- Grande diversité de stratégies de migrations climatiques : migration saisonnière vers la ville, exode rural des plus jeunes pour assurer un complément de revenus, migration familiale vers les camps de réfugiés, organisation communautaire de l’émigration internationale d’un membre avec l’espoir des remises… toutes ces stratégies sont conséquences et causes d’inégalités (Soudan, Érythrée…).
Transition : face aux injustices spatiales comment passer de la « cooping capacity » individuelle à « l’empowerment » collectif des sociétés ?
III - Les prises de conscience et de responsabilités inégales face aux changements climatiques (analyse géopolitique des inégalités).
A - Le niveau de prise de conscience de l’urgence climatique : un gradient de capital culturel ?
- Multiplication des manifestations publiques, mais la visibilité de la prise de conscience très variable entre des sociétés occidentales très mobilisées, des sociétés émergentes concernées et des sociétés du monde arabe et des pays pauvres encore atone dans leur manifestation collective.
- Stratégies individuelles « déclinistes » pour favoriser une décroissance, conduisent certains individus à diminuer leur accès aux biens et aux ressources… donc à accroitre les inégalités.
- Stratégies individuelles « climato-sceptiques » pour pouvoir continuer à alourdir les empreintes environnementales et à s’enrichir par l’exploitation rentière de ressources fossiles.
B - Entre logiques d’équité intergénérationnelle ou d’équité spatiale : le rattrapage des inégalités internationales en question ?
- Entre pays développés et pays émergents : la question de l’empreinte environnementale et du droit à polluer pour les pays pauvres est l’expression d’une dichotomie relative aux différentiels de développement.
- Pour les sociétés en développement : il s’agit d’une volonté politique de rattrapage économique en s’autorisant à utiliser des modèles économiques prédateurs de ressources (Inde, Brésil…).
- Pour les sociétés développées : il s’agit de conserver un avantage technologique et une qualité de vie, en partie acquise par « l’importation de leurs durabilités » (exploitation de ressources et de pollutions issues de régions du monde plus pauvres et aux législations environnementales moins contraignantes) (mondialisation des déchets).
- À une échelle locale, l’exploitation destructrice des forêts équatoriales par des populations pauvres en quête de ressources illustre de façon empirique le même dilemme égalitaire (Gabon).
C - Les stratégies de durabilité forte et de durabilité faible accroissent les inégalités.
- Que ce soit par la demande d’arrêt de l’exploitation des ressources fossiles, ou bien l’espoir que les progrès technologiques apporteront les solutions durables : les populations riches de toutes les sociétés déjà engagées dans la transition écologique seront favorisées.
- L’incapacité de coordination à l’échelle planétaire (COP, ONU…) renforce les comportements de « cavaliers seuls » dans l’espoir de tirer profit individuel face à une éventuelle sobriété collective.
- Certains pays, certaines entreprises ont intérêt, pour leur développement ou leur rentabilité, à ne pas freiner le réchauffement climatique (Russie, Brésil…).
Conclusion : En recomposant les questionnements socio-économiques sur les inégalités à toutes les échelles dans le monde, la dimension environnementale globale véhicule de nouvelles injustices spatiales. Les représentations des changements climatiques et les stratégies spatiales individuelles ou collectives accélèrent et contestent les inégalités actuelles. Quelle gouvernance pour limiter ces tensions géopolitiques croissantes du local au global ?