Au XVIIIe siècle, Louis-Antoine de Bougainville entreprend, au nom du roi de France, Louis XV, une expédition scientifique et politique qui le mènera, à bord de La Boudeuse, jusqu’au Pacifique. Il devient ainsi le premier navigateur français à accomplir le tour du monde.
Le contexte
Le XVIIIe siècle est marqué par la lutte entre la France et l’Angleterre pour la domination du monde. À l’issue de la guerre de Sept Ans, en 1763, la France a perdu une partie de ses territoires en Amérique du Nord mais a aidé les États-Unis à conquérir leur indépendance vis-à-vis de l’Angleterre. Dans le même temps, les voyages scientifiques dans le Pacifique constituent un nouveau champ de rivalité entre les deux puissances.
C’est dans ce contexte que Louis-Antoine de Bougainville, un mathématicien et avocat français, que la paix de 1763 a libéré de ses obligations militaires, propose au ministre de Louis XV, Choiseul, de coloniser les îles Falkland au sud du continent américain, avec pour objectif d’y installer les colons canadiens qui avaient émigré en France pour échapper aux conquérants anglais et d’y développer la pêche. En 1765, la petite colonie, installée avec l’aide des armateurs de Saint-Malo qui avaient dénommé l’archipel du nom de « Malouines », compte 80 personnes ; c’est alors que l’Angleterre puis l’Espagne en revendiquent la propriété. Ni l’Angleterre ni la France ne veulent engager une guerre et Bougainville doit abandonner ce territoire, moyennant indemnisation.
Bougainville est donc mandaté par le Gouvernement français pour le remettre aux autorités espagnoles et revenir par la mer du Sud, l’actuel Pacifique, encore méconnu, afin d’y faire des « découvertes », d’y tracer de nouvelles routes maritimes et d’y trouver « tout ce qui pourrait servir de « relâche » aux vaisseaux, notamment pour la Compagnie des Indes.
Une circumnavigation de 2 ans et 4 mois
Le 5 décembre 1766, depuis la rade de Brest, Bougainville prend la mer sur la frégate la Boudeuse, armée de 26 canons et comptant un équipage de 203 hommes encadrés par 11 officiers ; deux écrivains, un astronome, un cartographe, des chirurgiens, un botaniste participent également au voyage. Fin janvier 1767, la Boudeuse atteint la baie de Montevideo ; elle en repart le 28 février et arrive aux îles Malouines le 23 mars après avoir essuyé une tempête et subi des avaries. Bougainville doit y attendre la flûte l’Etoile, un autre navire participant à l’expédition, chargée de lui apporter les vivres nécessaires à la poursuite de son voyage. Les deux bâtiments prennent la mer pour le détroit de Magellan où ils pénétrent 13 jours plus tard. Ils jettent l’ancre après le premier goulet du détroit dans la baie Boucaut où des membres de l’équipage descendent à terre et font connaissance avec les Patagons.
Arrivées dans le Pacifique, l’Étoile et la Boudeuse naviguent de concert, à une certaine distance l’une de l’autre afin d’élargir leur champ d’observation. Les deux équipages cherchent à joindre l’île de Pâques, sans y parvenir, puis font route vers l’ouest. Après avoir aperçu les Tuamotu, ils abordent Tahiti le 2 avril 1768 ; ils y sont accueillis avec chaleur et Bougainville, séduit par ce « jardin d’Eden » lui donne le nom de Nouvelle Cythère, en référence à l’île grecque de Cythère, berceau de la déesse Aphrodite.
Après quelques jours passés sur place, Bougainville quitte Tahiti et reprend la mer. C’est à ce moment-là qu’est révélée la présence à bord d’une femme : la compagne du botaniste Commerson, Jeanne Barré qui, sous un habillement masculin, s’était fait passer pour son assistant. Elle est ainsi la première femme à faire le tour du monde.
L'expédition se poursuit, Bougainville reconnaît les îles Samoa, puis gagne les Nouvelles-Hébrides qu’avait découvertes Quiros, un explorateur espagnol, en 1606. Les deux navires longent ensuite la barrière de corail protégeant la côte orientale de l’Australie, puis la Nouvelle-Guinée. Mais les conditions de navigation, le scorbut – une maladie fréquente sur les bateaux et provoquée par une carence en vitamine C – et surtout la pénurie de vivres limitent les possibilités d’exploration de ces terres. Après une relâche dans l’archipel des Moluques, ils gagnent Batavia où ils arrivent le 28 septembre. Cette escale marque la fin de leur exploration. Ils prennent la route du retour via l’île de France (actuelle île Maurice), le cap de Bonne Espérance et le 16 mars 1769, mouillent à Saint-Malo, après 2 ans et 4 mois de navigation.
Un succès littéraire
En mai 1771, Bougainville publie le récit de sa circumnavigation, Voyage autour du monde par la frégate La Boudeuse et la flûte L’Étoile qui rencontre un vif succès auprès du public. La description idyllique de Tahiti, notamment, enchante les lecteurs et conforte les préocupations philosophiques de l’époque : celle du retour à la nature et du mythe du « bon sauvage », prônée notamment par Rousseau. Au-delà, cette œuvre lancera la vogue du récit de voyage et le goût pour l’exotisme.
À noter : Dans son Supplément au voyage de Bougainville, sous la forme d'un dialogue entre Européens et Tahitiens, Diderot s'interrogera sur le bien-fondé “moral” de cette expédition.
Bougainville meurt en 1811, après avoir participé à la guerre d’indépendance des États-Unis. Il repose au Panthéon.
Infos bonus
Philibert Commerson donna le nom de bougainvillée à une plante qu’il découvrit près de Rio de Janeiro au début du périple.
En 2004-2007, un Trois-Mâts, la Boudeuse, effectuera un tour du monde à la découverte des Peuples de l’eau, dans le prolongement du voyage de Bougainville.