Si, la plupart du temps, les activités ludiques sont taxées de frivolité et de légèreté, elles n’en demeurent pas moins un réel exutoire. Depuis l’Antiquité, on lui reconnaît une fonction cathartique. Aristote, dans la Poétique, explique que la tragédie permet de purifier l’âme du spectateur en éprouvant de la terreur et de la pitié. Dans La Lecture comme jeu datant de 1986, Michel Picard attribue à la lecture une fonction similaire à travers un processus bien connu : l’identification. Le sport agit lui-aussi comme un exécutoire ; d’ailleurs, certains affirment que les compétitions sportives mondiales sont une manière de s’affronter sans déclencher de guerres.
Dans son essai intitulé Homo ludens, Johan Huizinga explique que le jeu est omniprésent et même aux origines des grands actes de civilisation tels que les arts, les combats, les guerres ou les sciences. Pour l’historien néerlandais, nous sommes à la suite de l’homo sapiens, homo ludens (= homme qui joue).
Sous le plaisir apparent, le jeu peut également être un prétexte pour se mettre au service d’une critique de la société. C’est le cas avec le célébrissime film de Jean Renoir, La règle du jeu, sorti en 1939. Pour l’atmosphère et le scénario, Jean Renoir s’est inspiré de la pièce de théâtre d’Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne, mais on y retrouve également des références à Beaumarchais, Marivaux et Molière. Son peu de succès, lors de ses 1ères projections, est probablement dû au fait que le réalisateur montrait avec un peu trop de réalisme une société pervertie qui allait dans peu de temps vivre ses heures les plus sombres.
De même, toujours sous couvert de légèreté, le plaisir du jeu a longtemps été exploité pour véhiculer des stéréotypes culturels et sociaux ainsi que des stéréotypes de genre. En témoigne ce tableau mural, datant des années 60, représentant des enfants en train de jouer dans un cadre familial longtemps exposé dans les classes élémentaires que vous pouvez visionner en suivant ce lien : https://balises.bpi.fr/dossier/jeu-et-apprentissage/
On y voit des filles, au premier plan, jouant à la poupée et à la dinette à terre tandis que les garçons se sont émparés de la table et jouent à des jeux de construction. On note également que les mamans tricotent en surveillant leur progéniture renvoyant la femme mariée au rôle de mère au foyer.
Le plaisir du jeu est même devenu, avec la naissance des parcs d’attraction, une véritable exploitation économique avec son architecture propre. Vous accéderez en suivant ce lien à une émission animée par Maylis Besserie pour France Culture intitulée Les nouvelles vagues « Le jeu » Épisode 1 : Le parc d’attraction, architecture d’un rêve : https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouvelles-vagues/le-jeu-15-le-parc-dattraction-architecture-dun-reve
Assis dans leur salon, les téléspectateurs qui croient simplement se divertir en regardant des émissions de télé sont également en proie à ce système économique reposant sur le plaisir du jeu. En téléphonant, ils peuvent gagner des voyages, des revenus à vie, des voitures. Entre les émissions, les producteurs leur vendent du rêve.