Le rôle des espaces urbains : machines à penser, machines à rêver 2

En littérature et au cinéma, les modes de déplacement sont variés. Le promeneur va soit plonger dans le bouillonnement de la ville, même si se lier aux autres n’est pas simple (comment préserver son individualité et les besoins de chacun ?), soit en profiter pour se livrer à l’introspection et mettre de l’ordre dans ses idées et sa vie. Bouger est à la fois un fil narratif et symbolique de l’évolution des personnages. La ville est ambiguë, marquant la protection et l’enfermement, que les murs soient réels ou métaphoriques. Les beaux quartiers et la banlieue sont sujets aux clichés, que certains remettent en cause, en cherchant aussi à relier les lieux au temps qui passe, pour garder une trace des « petites » vies. Quand « l’inquiétante étrangeté » psychanalytique s’immisce dans le quotidien, on imagine des réalités alternatives ou des dangers cachés. Le réalisme quant à lui reste imparfait, car montrer ne recrée pas les sensations du vécu, et n’est pas forcément synonyme de neutralité.

En art, la ville peut être une muse – qu’on l’aime ou qu’on la déteste – tout comme les rues. La ville dans les jeux vidéos permet plus ou moins d’interactions, mais elle inspire les architectes, permet aux citoyens de mieux comprendre son fonctionnement, tandis que la réalité augmentée et le transmédia nous font redécouvrir notre quotidien urbain. À l’opposé, il y a l’anti-urbanisme : la ville est accusée de nous conditionner, de favoriser le crime et d’exercer une mauvaise influence. On déboulonne des statues quand on juge qu’elles ne correspondent plus aux valeurs actuelles. Certains plans d’urbanisme, comme les HLM, se sont avérés des échecs et la tendance est de quitter la grande ville pour des communautés plus petites et un mode de vie plus simple, plus naturel. Au XIX^e siècle, la littérature s’est fait l’écho de l’émergence d’une conscience sociale et de l’insurrection romantique, tandis que les zombies du cinéma fantastique servent de baromètre aux troubles dans la société.