Les Grands Lacs

Résultat du surcreusement glaciaire, les cinq lacs géants sont des espaces presque maritimes : mini marées, tempêtes, climat plus neigeux… Le lac Supérieur est séparé du lac Huron par un talus de 10 m (Sault Sainte Marie), alors que les lacs Érié et Ontario le sont par un dénivelé de plus de 100 m à l’origine des célèbres chutes du Niagara, pôle touristique majeur.

Depuis 1959 et la mise en service des canaux de la voie maritime du Saint-Laurent, les navires de haute mer peuvent remonter jusqu’au lac Supérieur dont le niveau est à 180 m d’altitude. La construction d’écluses est le résultat d’une coopération entre les États-Unis et le Canada. Mais l’augmentation de la taille des navires, la réorientation du commerce étatsunien vers l’Amérique latine et l’interruption forcée de la navigation en hiver ont entrainé le déclin de cette route fluvio-maritime.

Cependant, l’axe transfrontalier des Grands Lacs et du Saint-Laurent reste une région motrice dans la géographie du pays. Des villes doubles sont nées de part et d’autre de la frontière : Detroit/Windsor ; Niagara Falls ; Kingston/Watertown. L’axe qui joint les villes des rives sud des lacs (Syracuse, Rochester, Buffalo, Cleveland, Toledo) est un axe industriel qui se prolonge jusqu’à Chicago. L’axe des villes des rives nord (Detroit, Toronto) forme la Main Street.

À mi-chemin entre le fer du lac Supérieur et le charbon des Appalaches, les villes des rives sud des lacs ont longtemps été des pôles sidérurgiques de première importance. Marquées par la crise, le chômage et les friches industrielles (souvent polluées chimiquement : brownfields), certaines de ces villes peinent à se relever. Rochester, Buffalo et Cleveland restent parmi les villes les plus pauvres du pays.

Detroit est, depuis l’origine, le cœur de l’industrie automobile : Ford, General Motors et Chrysler y ont leur siège. Même si ces firmes et leurs concurrents japonais ont implanté des usines dans le Sud pour y trouver une main-d’œuvre moins chère et moins revendicative (moins de syndicats), même si la crise de 2008 a failli sonner le glas de l’automobile à Detroit, cette ville et ses satellites (Flint) en restent le centre de gravité.

Les espaces ruraux environnant les Grands Lacs sont majoritairement dévolus à l’élevage laitier, traditionnellement destiné à approvisionner les grandes villes de la région : on parle de Dairy Belt. Cet élevage intensif est de plus en plus le fait d’agriculteurs à temps partiel sur des exploitations de petite taille (pour les États-Unis).

Sa situation entre Grands Lacs et Grandes Plaines a fait de Chicago un carrefour ferroviaire de premier ordre au XIX^e et explique son développement industriel. Le carrefour est également fluvial : un canal permet de relier le lac Michigan au réseau du Mississippi. Aujourd’hui encore, Chicago est le troisième hub aéroportuaire du pays (85 millions de passagers en 2019 ; 110 millions pour Atlanta, 88 millions pour Los Angeles).

L’étude des formes de l’urbanisme et de la croissance urbaine est définitivement associée à « l’école de Chicago » : modèle de Burgess (1925), modèle de Hoyt (1939), modèle de Harris (1945). Ces trois modèles ont d’abord servi à caractériser les villes étatsuniennes, puis ont été utilisés pour les autres aires urbaines.

Du fait de l’absence de relief et de sa situation en bord de lac, Chicago apparaît en effet comme un archétype de la croissance et de la structuration de la ville :

• en auréoles : le CBD étant limité par la ligne circulaire de métro (Loop), les banlieues résidentielles plus lointaines succédant aux proches banlieues populaires ;
• en secteurs : les autres lignes de métro adoptant un plan radial, les axes ferroviaires, puis autoroutiers structurant les implantations industrielles et les habitats ouvriers associés ;
• de manière polycentrique : le port de Calumet ou l’aéroport formant des noyaux spécifiques, de même que le peuplement hispanique concentré en deux ensembles artificiellement réunis dans une circonscription électorale au dessin plus qu’étrange.