Les Lettres portugaises de Guilleragues est un roman épistolaire, composé de cinq lettres amoureuses d'une religieuse portugaise à son amant français qui l'a abandonnée. Tout d’abord publiées en 1669 sous le titre de Lettres portugaises traduites en français, elles ont été considérées jusqu’au XXe siècle comme authentiques, écrites par une religieuse d’un couvent portugais Mariana Alcoforado au marquis de Chamilly et rassemblées par le comte de Guilleragues, directeur d’un grand journal français, La Gazette de France.

Ce n’est qu’au milieu du XXe siècle que les critiques littéraires attribuent ces lettres au comte lui-même et affirment qu’il s’agit en réalité d’une fiction, malgré l’avis de certains écrivains persuadés de leur authenticité. Aussi l’auteur propose-t-il une œuvre originale par l’ambiguïté de son origine auctoriale, renforcée par la forme épistolaire unilatérale : seules les lettres de la religieuse sont présentées, constituant une sorte de monologue passionné et introspectif. En effet, Guilleragues parvient à créer l’illusion d’une écriture féminine à travers l’intensité des émotions exprimées et l’exploration de la passion amoureuse, de la jalousie, du désespoir face à l’abandon. L’œuvre se caractérise également par sa focalisation sur l'intériorité d'un seul personnage, par son analyse psychologique et par sa structure narrative qui s’appuie sur l'évolution émotionnelle du narrateur plutôt que sur l'intrigue. En dehors du thème de la passion amoureuse, le roman aborde les thèmes de l'absence, de l'identité féminine et de la critique de la société. La condition des femmes au XVIIe siècle, et notamment celle des religieuses, est évoquée à travers la voix du personnage. Les Lettres portugaises abordent ainsi plusieurs tabous de l'époque, particulièrement choquants venant d'une femme et, plus spécifiquement, d’une religieuse. L'œuvre explore le thème de la sexualité féminine : la narratrice évoque son désir physique et ses souvenirs sensuels, transgressant les normes sociales et religieuses. 

En outre, l'idée qu'une femme puisse écrire avec passion et éloquence sur ses sentiments intimes était en soi transgressive, remettant en question les préjugés sur les capacités intellectuelles et émotionnelles des femmes, d’autant que la voix féminine s’oppose par ses ressentiments exprimés envers son amant au code imposé aux femmes de la société de l’époque, celui de ne pas se plaindre de façon véhémente du comportement masculin. 

Enfin, la voix féminine de la narration, les thèmes et le genre, celui de la correspondance, tendent à favoriser, par la suite, le développement du roman psychologique et d’une narration portée par un personnage féminin