Bernardin de Saint-Pierre insuffle dans son roman Paul et Virginie ses expériences personnelles et sa vision du monde après une carrière en tant qu’ingénieur militaire et des voyages en Russie et en Pologne notamment. Mais, l'œuvre, publiée en 1788, s'inspire directement de son séjour à l'Île-de-France (aujourd'hui appelée île Maurice) de 1768 à 1771. Les descriptions détaillées et vivantes de la nature tropicale reflètent ses observations minutieuses durant ce séjour. Par exemple, la description de la flore exotique, comme les palmistes et les bananiers, ou de la faune locale, tels que les singes et les perroquets, témoigne de sa fascination pour ce paysage authentique. Le roman rend compte également des idéaux philosophiques et sociaux de l’auteur qui, influencé par les idées de Jean-Jacques Rousseau et en particulier de son lien étroit avec la nature, dépeint une société utopique basée sur la simplicité, la vertu et l'harmonie avec la nature : la nostalgie du paradis perdu est un thème que l’on retrouve. Les personnages de Madame de la Tour et de Marguerite, qui élèvent leurs enfants loin de la corruption de la civilisation, incarnent ainsi cette vision idéalisée. En outre, son expérience amoureuse, suite à sa relation malheureuse avec Françoise Robin, femme mariée et fidèle à son époux, rencontrée sur l’île, influence l’écriture du roman. Sa conception de l’amour y est, d’ailleurs, particulièrement pessimiste et le registre pathétique à travers le destin tragique qui frappe les deux jeunes amants. 

Le récit présente également une critique de la société coloniale et de l’esclavage, traduisant les convictions de l’auteur, comme l’illustrent l’évocation du personnage de Domingue, l'esclave fidèle et vertueux, et l’épisode de la rencontre avec une esclave battue et maltraitée par son maître. Il fait ainsi écho à son ouvrage Voyage à l’Île-de-France, à l’Île Bourbon, au cap de Bonne-Espérance, par un officier du roi, roman épistolaire publié en 1773, et la pièce de théâtre à Empsaei et Zoraïde, écrite en 1775, dans lesquels il dénonce les violences et les injustices de l’esclavage et du colonialisme.

Enfin, le style descriptif et lyrique de Bernardin, notamment dans les passages décrivant la nature, révèle sa formation scientifique et son intérêt pour la botanique. Le roman est d’ailleurs publié dans le quatrième tome des Études de la nature, recueil dans lequel il expose la théorie du finalisme anthropocentrique dans la nature. Sa capacité à mêler observation scientifique et sensibilité poétique crée un style romanesque unique et original qui devient une caractéristique distinctive de son écriture.