Introduction

Accroche :

Lors de la Seconde Guerre mondiale, les consignes du Parti du Peuple Algérien (PPA) sont les suivantes : « La France ne nous a rien donné. Pourquoi mourir pour elle ? Si nous sommes soldats, nous lèverons la crosse en l’air » : citation qui permet de bien rentrer dans le sujet, car elle montre d’une part l’implication des sociétés coloniales dans une guerre qui concerne la métropole, et d’autre part l’usage de la guerre pour s’opposer à la France et à la colonisation.

Définition :

  • Sociétés coloniales : partir de la distinction de G. Balandier. Les sociétés coloniales sont duales avec d’un côté un groupe dominant (la société des colons) et de l’autre la société des colonisés (les indigènes). Le facteur principal de distinction entre les deux groupes est le critère de la race, qui repose sur le postulat de la supériorité de la race blanche.
    Rappeler la diversité de l’entité « Afrique coloniale française », en rappelant notamment que la société des colons y pèse de manière inégale : à la fin des années 1930, ils représentent 13% de la population en Algérie, respectivement 4 et 8% au Maroc et en Tunisie, et moins d’1% dans le reste de l’Afrique française (chiffres d’Almeida).
  • Guerre : lutte armée d’une certaine ampleur qui oppose plusieurs camps. Évoquer les différents types de guerre, c’est-à-dire les deux Guerres mondiales, la Guerre Froide (dans le contexte de la décolonisation), ainsi que les révoltes importantes qui ont entraîné l’intervention des forces armées (Guerre du Rif, Sétif et Guelma). Ne pas oublier de justifier le fait qu’on traite également de ces révoltes dans un sujet sur les guerres (ampleur des affrontements, dureté de la répression, importance des conséquences…).
  • Face à : invite à s’interroger sur les différentes réactions face à la guerre, mais aussi aux effets de la guerre sur les sociétés coloniales.
    Les effets sont divers : destructions et conséquences économiques et humaines lors des guerres de conquête, effets sur les structures et les groupes sociaux, effets culturels et politiques. Les réactions sont diverses également (résistance, accommodation, loyalisme, attentisme).

Bornes :

  • 1830 marque le début de la conquête de l’Algérie par les Français, conquête qui se traduit par la violence des affrontements. Ce début de la conquête de l’Afrique coloniale trouve un premier point d’aboutissement en 1871 avec la révolte de Moqrani, à la fois jacquerie paysanne, révolte d’aristocrates et jihad suivi par le début des guerres de conquête qui durent une vingtaine d’années. La pacification est à peine achevée à la veille de la Première Guerre mondiale.
  • 1962 : fin de la guerre d’Algérie avec la signature des accords d’Évian, qui fait suite à la déclaration de l’indépendance de la plupart des colonies africaines entre 1958 et 1960.

Problématique :

Comment passe-t-on de guerres comme moyen de la mise en place des sociétés coloniales aux guerres comme moteur et accélérateur de leur remise en cause ?

I) Guerre de conquête et naissance des sociétés coloniales

A) La violence de guerre, acte fondateur des sociétés coloniales ?

  • Guerres de conquête qui visent avant tout à soumettre une population « à civiliser ».
  • Supériorité technique des Français lors des affrontements (marqueur de la supériorité de la société des colons sur la société colonisée).
  • Naissance des sociétés coloniales favorisée par les violences de guerre des États précoloniaux africains (razzias esclavagistes notamment).

B) Entre pacification et menace persistante de guerre

  • Révolte de Moqrani (1871) et mise en place du dualisme de la société coloniale algérienne.
  • Peur de longue durée du jihad, des confréries et de l’islam chez les coloniaux et les colons dans les sociétés coloniales musulmanes.
  • Une pacification jamais achevée ? Cas de Madagascar et de la Côte d’Ivoire.
  • Des sociétés coloniales nées sans guerre ? Cas des protectorats.

C) De vaincus à « collaborants » (M’Bokolo) ?

  • Cas des tirailleurs sénégalais, des tribus qui s’engagent aux côtés des colonisateurs (exemple des Chaambas, hostiles aux Touaregs), des auxiliaires coloniaux.
  • Des élites précoloniales détruites ou qui deviennent relais de l’autorité coloniale ? (Exemple du sergent Malamine).

II) Le tournant des deux Guerres mondiales : de la loyauté des sociétés coloniales à leur affirmation

A) Des sociétés coloniales largement impliquées dans la Première Guerre mondiale

  • Les sociétés coloniales fournissent soldats et main d’œuvre industrielle.
  • Elles fournissent aussi des produits agricoles et des matières premières.
  • La guerre est portée en Afrique (fronts du Togo et du Cameroun), mettant les sociétés coloniales directement aux prises avec la guerre.

B) L’Afrique champ de bataille et enjeu entre Vichy et France libre

  • L’enjeu de l’entrée en guerre pour les sociétés coloniales (loyalisme ou attentisme) et de l’effort de guerre (hommes, ressources).
  • Vichy entre propagande impériale et projet de société des colons.
  • La France libre est d’abord africaine et a pour première capitale Brazzaville.

C) Sorties de guerre, attentes et déceptions : les sociétés coloniales en crise ?

  • Crise de l’autorité post Première Guerre mondiale et nouvelle politique coloniale à l’égard des sociétés coloniales (œuvre civilisatrice).
  • Le rôle de la Guerre Froide et de l’anticolonialisme étatsunien.
  • Déception des sociétés coloniales après les deux guerres…
  • … qui entraîne des révoltes importantes : guerre du Kongo-Wara, guerre du Rif qui durcit les relations Africains/colonisateurs.

III) La guerre aux origines de l’insurrection et moyen des revendications indépendantistes des sociétés coloniales

A) Les sociétés coloniales actrices des insurrections pour leur indépendance

  • De la guerre du Rif aux événements de Sétif et Guelma : les tensions gagnent un degré jamais atteint auparavant.
  • Insurrection à Madagascar, fureurs paysannes et rituelles qui entraînent la peur des coloniaux et des colons.

B) La montée des nationalismes et du terrorisme

  • Les guerres ont été vectrices de changements sociaux : loi Jonnart, fin des impôts arabes / disparition de l’indigénat…
  • … et ont entraîné une « poussée des nationalismes indigènes » (D. Rivet) : partis politiques locaux comme le PDCI, l’Istiqlal…
  • … qui se traduit par des actes de guerre (terrorisme et fellaguisme, explosion insurrectionnelle d’Oued Zem et violence de la répression), ce qui permet notamment une décolonisation en partie négociée dans les protectorats et les colonies d’Afrique noire.

C) « Les événements d’Algérie » : de la guerre civile à l’indépendance

  • Les événements de la Toussaint 1954 et le basculement dans une guerre ouverte : « la seule négociation c’est la guerre » (Mitterrand).
  • Une guerre violente : actes terroristes perpétrés par l’OAS et actes de torture par l’armée française.
  • Les accords d’Évian, la fin de la guerre ?

Conclusion

Bilan et réponse à la problématique :

  • La guerre a été un facteur de la formation des sociétés coloniales du fait de la supériorité militaire française, ce qui a permis l’instauration de sociétés coloniales dans lesquelles les indigènes sont dominés par les colonisateurs.
  • Les deux Guerres mondiales sont à l’origine de changements dans les représentations des colonisés et mènent à une multiplication des revendications et des tensions au sein de ces sociétés coloniales. Ces revendications concernent davantage l’égalité avec les citoyens français après la Première Guerre mondiale, quand c’est l’autonomie voire l’indépendance que les colonisés réclament après la Deuxième Guerre mondiale. Ces revendications donnent lieu à des conflits armés qui sont un moteur important de la décolonisation, car les rapports de force s’inversent dans un contexte de Guerre Froide, où États-Unis comme Union soviétique se montrent hostiles à la colonisation.

Ouverture :

Le qualificatif de « guerre » pour désigner les conflits opposant colonisés et colonisateurs est au cœur de conflits mémoriels et interroge les représentations et les intérêts de chacun. En effet, le gouvernement français refuse de parler de guerre à propos de la décolonisation de l’Algérie jusqu’à la fin des années 1990.