Le succès de la tragédie à l’honneur avec Racine et Corneille au XVIIe s’estompe au XVIIIe. On peut néanmoins citer deux auteurs de tragédie qui ont marqué leur siècle : Crébillon père et Voltaire qui, à l’époque, était plus connu pour ses tragédies que pour ses contes philosophiques. Quant à Crébillon, il inscrit son théâtre dans l’horreur de situations affreuses : « Corneille a pris le ciel, Racine la terre ; il ne me restait plus que l’enfer ; je m’y suis jeté à corps perdu. »

Il ne faut cependant pas croire que le XVIIIe siècle n’est pas imprégné par le théâtre, car de grands dramaturges y ont laissé leurs empreintes :

  • Marivaux (1688-1763) est un auteur de comédies. Il écrit pour la Comédie-italienne comme pour la Comédie-Française. Après Molière, il semble difficile de renouveler le genre, pourtant, Marivaux y parvient en créant une comédie de sentiments avec notamment La Surprise de l’amour, Le Jeu de l’amour et du hasard, Le Dénouement imprévu. Dans une langue étudiée pour se rapprocher du langage des cœurs, Marivaux s’intéresse aux troubles du sentiment amoureux. Sa pièce, L’île des esclaves, jouée en 1725, dans laquelle les maîtres deviennent valets et inversement, illustre également une réflexion sur la société et sur les rapports humains qui sera représentative de la pensée du siècle des Lumières.

  • En 1757, avec Le Fils naturel puis Le Père de famille en 1761, Diderot (1713-1784) consacre un nouveau genre : le drame bourgeois, aussi appelé tragédie populaire ou domestique – une évolution à mettre en rapport avec les goûts de l’époque. Le drame bourgeois s’oppose donc à la tragédie et la comédie. L’objectif des dramaturges est de représenter les milieux bourgeois parfois même de moindre condition, et de peindre des situations réalistes dans le but d’émouvoir, mais aussi de moraliser le peuple. On peut citer des dramaturges comme Sédaine avec Le Philosophe sans le savoir en 1765 ou Beaumarchais avec Les Deux Amis (1770) et La Mère coupable (1792), ainsi que des œuvres théoriques à l’image du Discours sur la poésie dramatique et Le Paradoxe sur le comédien de Diderot ou encore l'Essai sur le genre dramatique sérieux (1767) de Beaumarchais.

  • La vie de Beaumarchais (1732-1799) est, en elle-même, digne d’un roman de cape et d’épée. Horloger, musicien, aventurier, espion du roi, le dramaturge triomphe à Paris avec Le Barbier de Séville en 1775. En 1777, il fonde la Société des auteurs dramatiques pour la défense de leurs droits. Tout d’abord interdite, la pièce, Le Mariage de Figaro, connaît en 1784 un succès sans précédent, puis viendra, pour clore la trilogie de la famille Almaviva, La Mère coupable en 1792, reprise avec succès en 1797. Son théâtre est vivant, dynamique, endiablé à l’image de la folle journée de Figaro, multipliant les quiproquos, les scènes de reconnaissance et surtout plongeant ses personnages principaux dans l’embarras de situations rocambolesques. Mais les comédies de Beaumarchais sont aussi de féroces critiques représentatives d’une période où les frontières sociales sont sur le point d’éclater.