Une nouvelle conception du langage théâtral inspirée de l’esthétique orientale naît au début du XXe siècle, ce que son auteur, Antonin Artaud, appelle « le théâtre de la cruauté » dans Le Théâtre et son double (1938).

À la fois poète, acteur, metteur en scène et théoricien de l’art de la scène, Artaud conçoit une vision de la société, dont la perception tire son origine dans son mal-être et une existence marquée par la douleur physique. Il considère la société comme malade et comme devant être guérie en recourant à un théâtre à vocation spirituelle, communautaire. Ainsi, énonce-t-il des principes d’« un théâtre pur » qui a pour but de détruire les formes anciennes afin de reconstruire une vie qui soit régénérée ; il défend l’idée d’un « spectacle total » : « Il faut ignorer la mise en scène, le théâtre. Tous les grands dramaturges [...] suppriment [...] la mise en scène extérieure, mais ils creusent à l’infini les déplacements intérieurs, cette espèce de perpétuel va-et-vient des âmes de leurs héros ».

Artaud s’inspire, dès lors, du théâtre oriental et des rites primitifs, et propose de redonner une définition de la frontière séparant le public et les comédiens. Pour cela, il privilégie l’espace scénique à l’art de la parole qu’il réduit et tend à faire disparaître pour laisser place aux sons et aux mouvements des acteurs.

Malgré l’échec de sa pièce Les Cenci créée en 1935, fortement critiquée, les principes esthétiques qu’il développe à travers ses productions atteignent la postérité et influent sur le théâtre contemporain, notamment sur le théâtre anarchiste du Living Theatre, à travers la représentation de The Brig (1963) qui reprennent en pratique les théories d’Artaud : violence, humiliation des acteurs enfermés dans des cages et réduits à des éléments passifs et neutres.