Quelques philosophes ont imaginé que les premiers hommes ne vivaient pas en société, et même que la vie en société n'était pas dans la nature de l'homme. C'est sur cette hypothèse d'un prétendu état de nature, antérieur à l'état social, que Jean-Jacques Rousseau construit sa théorie du contrat social. Il y a l'homme de la nature, dit Rousseau, et l'homme de l'homme, l'homme dénaturé par la société de ses semblables.
Il y a, dans cette philosophie, comme une réminiscence de la distinction que fait la théologie chrétienne entre les deux états de la nature humaine, innocente et corrompue. Mais Rousseau innove en affirmant que c'est la société qui corrompt l'homme : non pas seulement les mauvaises fréquentations, comme on pourrait le penser, mais la vie sociale elle-même.
Rousseau oppose donc nature et société. L'homme naturel, c'est l'homme sauvage, animal libre et solitaire dont la première loi est de veiller à sa propre conservation. Cependant, cet homme de la nature, tel que Rousseau l'imagine et le peint, a-t-il un jour existé ? Rousseau était le premier à en douter, comme il l'avoue dans le Discours sur l'origine de l'inégalité. Cet homme naturel, ce bon sauvage, n'est peut-être qu'une fiction. En effet, une expérience invariable, dira Joseph de Maistre, nous enseigne que l'homme est un animal intelligent, religieux et sociable.