Dans la grammaire de Denis Sancier-Château, la notion d’aspect se définit « comme la manière dont la forme verbale présente le procès, le point de vue dont est envisagé son déroulement propre » (p. 61). Elle renvoie à l’une des caractéristiques du verbe, qui est de pouvoir rendre compte de la perception du temps du procès par le locuteur. L’action est, dès lors, envisagée dans son déroulement propre, sans considération temporelle, ce qui implique de distinguer, dans l’analyse du verbe, le temps et l’aspect. De ce point de vue, les différentes formes de la conjugaison (imparfait, passé simple, plus-que-parfait, etc.) qui constituent les variantes combinatoires d’un même paradigme verbal sont, aujourd’hui, considérées comme des « tiroirs verbaux » permettant de positionner le procès énoncé sur l’axe chronologique du temps (Passé-Présent-Futur).
Ainsi, les formes simples et les formes composées rendent compte de deux réalités aspectuelles différentes : l’aspect accompli et l’aspect inaccompli. En effet, « par définition, le procès – donc toute forme verbale – suppose à la fois un point de départ, un déroulement et un terme » (Denis Sancier-Chateau : 61). Que le verbe soit au présent ou au passé, et quel que soit son mode (personnel ou impersonnel), le procès exprimé à travers l’emploi d’un temps simple (présent, imparfait, passé simple, futur) est présenté comme inachevé, en cours de déroulement, sous un aspect dit inaccompli : « un aspect simple, tensif ou immanent, tient la pensée en dedans du procès et éveille dans l’esprit l’image même du verbe et dans son déroulement […] » « l’aspect composé, extensif ou transcendant, qui porte la pensée au-delà du procès et éveille dans l’esprit non plus le déroulement même de l’image, mais le déroulement d’une séquelle de cette image » (G. Guillaume : 1929).
L’aspect tensif, désigne ici l’aspect inaccompli, représenté à travers les formes simples du verbe, tandis que l’aspect extensif se réfère à l’aspect accompli, à l’expression de l’achèvement du procès dénoté par le verbe sous sa forme composée (passé composé, passé antérieur, futur antérieur, plus-que-parfait). Autrement dit, les formes simples sont associées à l’aspect inaccompli, les formes composées à l’aspect accompli (cf. la distinction entre les temps de l’infectum et du perfectum en latin).
Une autre distinction concernant la valeur aspectuelle du verbe permet de confronter deux perceptions différentes du déroulement du procès : l’aspect sécant et l’aspect non sécant (ou aspect global). L’aspect sécant exprime l’extension de la durée du procès, notamment à travers l’emploi de l’imparfait qui revêt une valeur durative, par opposition au passé simple (ou au présent de narration) qui, lui, présente une valeur ponctuelle et donc renvoie à l’aspect non sécant (ou global).
Enfin, sur le plan sémantique et lexical, deux types d’aspect verbal se dégagent à partir du sens donné par les verbes : l’aspect perfectif et l’aspect imperfectif. Le verbe perfectif exprime, par son sens, lui-même l’achèvement du procès (mourir, naître, trouver, sortir, etc.) et ne peut, par conséquent, être complété par un complément circonstanciel de durée, tandis que le verbe imperfectif indique un procès réalisé dès qu'il est commencé, même s’il est interrompu, c’est-à-dire que son sens ne présente pas de limitation dans le temps (chercher, marcher, chanter, etc.).
Des effets de sens résultent de l’association de l’aspect grammatical et de l’aspect lexical du verbe. Aussi, trois cas de figure se présentent de cet état de faits et donnent lieu à des effets de sens : l’aspect itératif (le procès se reproduit plusieurs fois), l’aspect sémelfactif (le procès n’a lieu qu’une seule fois) et l’aspect duratif (le procès se poursuit dans le temps).