Le principe de l’énonciation en linguistique est un concept apparu au cours des années 50-60. L’importance donnée à l’étude de l’acte parlé est soutenue par le linguiste Émile Benvéniste dans Problèmes de linguistique générale (1966). Cette tendance s’inscrit dans le prolongement des études anciennes menées par les linguistes G. Guillaume et Ch. Bally qui développent la notion d’actualisation, à laquelle l’énonciation s’est progressivement substituée.
L’énonciation se définit comme l’acte individuel de création de parole, l’acte de communication, dans un contexte donné, dont découle l’énoncé, le message. Il suppose la prise en compte de l’émetteur du message, l’énonciateur. Les différents éléments qui composent l’énoncé, qui les reflètent, peuvent présenter les circonstances de son énonciation : il s’agit de la réflexivité du langage.
Les procédés linguistiques qui reflètent l’acte d’énonciation, qui rendent compte de la présence du locuteur forment un sous-système appelé « l’appareil formel de l’énonciation » (cf. Benvéniste). Ce sont des éléments qui permettent de situer le locuteur, le sujet d’énonciation dans son énoncé : le locuteur imprime sa marque à l’énoncé, s’inscrit dans le message et se situe par rapport à l’énoncé. Ces marqueurs se composent d’unités de langue tels que les embrayeurs et déictiques, parmi lesquels se distinguent les déictiques spatio-temporels, les pronoms personnels, les termes relationnels (qui établissent un lien avec le locuteur), les modalisateurs (locutions adverbiales ou adverbes : sans doute, peut-être, certainement, selon moi...), les termes évaluatifs (adverbes d’énonciation ou infinitifs prépositionnels : franchement, sincèrement, vraiment, pour être clair, pour être franc…), les circonstants de temps, etc.
Les embrayeurs, terme qui traduit l’anglais shifters (to shift : changer de place) et introduit par le linguiste Jakobson, constituent des termes qui regroupent, en les reflétant, certaines caractéristiques de la situation d’énonciation. Ils servent à ancrer le discours dans la situation d’énonciation : le « moi/ici/maintenant » de l’énonciateur/locuteur. Parfois appelés déictiques, souvent considérés eux-mêmes comme un sous-groupe en tant qu’indicateurs spatio-temporels (démonstratifs, présentatifs, adverbes, adjectifs qui se réfèrent à la situation d’énonciation) qui précisent le lieu et le moment de la situation de communication, ces termes forment des indices grammaticaux de l’énonciation.
Les temps verbaux sont également considérés comme des déictiques spatio-temporels en ce qu’ils dépendent du moment où s’exprime le locuteur. Aussi, le temps de référence propre à la situation d’énonciation est le présent : « le présent est proprement la source du temps » (Benvéniste). Il se distingue du récit (écrit et monogal) en ce qu’il renvoie au système du discours (oral et dialogal). C’est par rapport au présent que se définit le passé et l’avenir dans le système de l’énonciation proprement dit. Seuls les verbes performatifs font correspondre le moment de l’énonciation et le temps linguistique.