L’écriture narrative n’est pas en reste au Moyen Âge pour dénoncer par le rire. Le Roman de Renart, ensemble de vingt-sept histoires en octosyllabes disparates, ou « branches », rédigées par différents auteurs souvent anonymes (entre le XIIe et le XIIIe siècle) raconte l’histoire du goupil (renard), Renart, rusé, sans morale, qui ment et joue de mauvais tours à tous ceux qui l’entourent. Il s’en prend au loup Ysengrin, toujours trompé, et rendu cocu par ce premier. La misogynie y est agressive et le mépris des vilains (paysans) et des curés de campagne, présentés comme gloutons, bêtes, lubriques, est constant. La religion est caricaturée : les animaux célèbrent la messe, les voleurs échappant à la mort affectent de se convertir… Le Roman est le reflet ironique d’un univers hiérarchisé régi par la violence, pour manger et survivre.

Les fabliaux, courts récits, en vers, à visée comique (« contes à rire en vers », selon l’expression de J. Bédier, Les Fabliaux, 1895), contenant également une leçon de morale située à la fin du texte, critiquent, eux aussi, aussi bien l’avidité et la stupidité du clergé (« Saint Pierre et le Jongleur », « Les Quatre Souhaits saint Martin »…), que la bêtise des paysans, la luxure, la stupidité et la méchanceté des femmes : « La vieille qui graissa la patte au chevalier » (une vieille femme, dont on a volé les deux vaches, demande de l’aide à ses voisins, on lui recommande de graisser la patte à un chevalier pour les lui retrouver, elle apporte donc un morceau de lard pour la lui graisser...), « Le Vilain mire », « Brunain la vache au prêtre »... On en dénombre environ 150 entre les milieux du XIIe et du XIVe siècle. Ils peuvent aller jusqu’à l’obscénité souvent (« Le Chevalier qui fit les cons parler »). La trame souvent rencontrée est le cocuage du mari par le prêtre. Leur postérité est grande, chez Boccace dans son Décaméron, ou bien La Fontaine dans ses Contes, et Molière avec le sujet du Médecin malgré lui. Même s’il apparaît souvent grossier, le fabliau est plutôt une charge satirique contre tous les groupes sociaux, en un rire exutoire.