Contemporain du mouvement romanesque de l’absurde, l’absurde au théâtre, terme inventé par le critique anglais Martin Esslin, dans Le Théâtre de l’absurde (1962), désigne, après la Seconde Guerre mondiale, une représentation pessimiste, voire nihiliste de l’homme, enfermé dans un univers dénué de sens. Absurdus, en effet, signifie en latin, « discordant », et désigne dans ce mouvement l’absence de sens préexistant la vie humaine, c’est-à-dire, l’absence de signification (pour quoi vivre ?) et de direction (où vais-je ?). En ce sens, c’est l’actualisation contemporaine de la pensée de Pascal, dans l’ouvrage éponyme (1669), qui fait dire au libertin, celui qui ne croit pas à Dieu : « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ».
Le théâtre est le reflet de ces questions, par le refus d’une intrigue, d’un sens, dans les deux acceptions du terme, comme dans La Cantatrice chauve (1950) d’Eugène Ionesco (1909-1994), ou En attendant Godot (1952) de Samuel Beckett (1906-1989), deux pièces de l’attente, l’une d’une cantatrice, extérieure à l’histoire, l’autre de Godot (God : Dieu ?).
De même, Albert Camus développe ce qu’il nomme le « cycle de l’absurde », tétralogie comprenant l’essai Le Mythe de Sisyphe (1942), son succès romanesque mondial L’Étranger (1942), et les pièces de théâtre Caligula (1944) et Le Malentendu (1944). Caligula, pièce en quatre actes, met en scène l'empereur romain historique (12-41), tyrannique, incestueux, qui agit avec démesure, en quête d’impossible, se confrontant à l’absurde de la vie après la mort de sa sœur et amante Drusilla. L’Étranger (1942), premier roman, court, dont l’incipit est resté célèbre (« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas... »), relate la vie du narrateur. Dans ce roman, Camus met en scène un homme Meursault, vivant à Alger en Algérie française, étranger au monde et à l’humanité, qui ne ressent rien, sans but, et qui finit par être exécuté.