Le théâtre, originellement, est une manifestation sacrée, sous l’égide de Dionysos, dieu grec du vin, de la fête, de l’ivresse. Mais, progressivement, le théâtre et son rapport au sacré se trouvent vivement attaqués par la religion catholique, qui n’y voit que prostitution de l’âme et abaissement de l’homme qui se vautre dans les spectacles mondains, opposés au ciel. Or, au Moyen Âge, le théâtre sert encore à exprimer la foi religieuse, puisque coexistent le drame liturgique (courtes pièces dont les sujets sont empruntés à l’Ancien et au Nouveau Testament, ou à la vie des saints), comme le jeu (drame liturgique qui traite de sujets en marge de l’Écriture : légendes populaires complétant la vie d’un saint, anecdotes pittoresques...), ainsi du Jeu d’Adam (vers 1150-1660), du Jeu de Saint-Nicolas (vers 1200), le miracle, pièce qui raconte la vie d’un saint ou simplement une « histoire » (légende historique, fait divers) se terminant par l’intervention du saint qui arrange tout comme un deus ex machina, comme Le Miracle de Théophile (vers 1260), les Mystères, (du latin médiéval misterium, « cérémonie »), permettant un enseignement populaire qui se joue sur le parvis, mais aussi sur la place publique, relatant la vie d’un saint en entier (le miracle n’en montre que des épisodes), comme Le Mystère de la Passion (1425).

Les pièces à thème religieux sont aussi des instruments de la foi dès le XVIe siècle, malgré les réticences grandissantes de l’Église. Le XVIe siècle voit un déclin de l’ancien théâtre médiéval religieux (mystères, miracles et moralités), progressivement remplacé pendant la seconde moitié du siècle par la tragédie biblique, (la Jephtes, en latin, de Buchanan (1539-1544), au succès européen), ou bien la première tragédie française est L’lbraham sacrifiant (1550) de Théodore de Bèze (1519-1605)… Le XVIIe siècle voit, à côté de la tragédie antique, des tragédies bibliques, d’inspiration surtout protestante, et des tragédies chrétiennes, surtout cultivées par les catholiques, comme Polyeucte (1642) et Théodore, vierge et martyr (1646) de Corneille, ou bien Le Véritable saint Genest (1646) de Jean de Rotrou (1609-1650), les tragédies bibliques de Racine, Esther (1689) et Athalie (1691). Mais le genre est peu représenté : la vertu mise en scène effraie plus qu’elle ne suscite un renforcement de la foi.

C’est autour de ces trois sommets que l’on peut relire le XVIIe siècle de la tragédie sacrée. Si les XVIIIe et XIXe siècles voient le déclin du genre, le XXe siècle est un renouveau avec Maurice Maeterlinck, Le Miracle de saint Antoine (1903), Jeanne d’Arc (1948), Paul Claudel, avec Le Soulier de satin ou Le pire n’est pas toujours sûr (1929), Jeanne d’Arc au bûcher (1939), La Sagesse ou la Parabole du destin (1939), L’Histoire de Tobie et de Sara, moralité en trois actes (1942), Charles Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (1910), et d’une certaine manière Samuel Beckett avec En attendant Godot (écrite en 1948, jouée en 1952). La seconde moitié du siècle, voit le déclin du genre, du fait d’une société de plus en plus déchristianisée.