Les modalités désignent l’ensemble des marques fournies par l’énonciateur à son énoncé : elles posent la question de l’objectivité ou de la subjectivité du locuteur, de son implication, de son positionnement, dans l’énoncé. Selon Charles Bally (1932), la modalité se définit comme « la forme linguistique d'un jugement intellectuel ou d'une volonté qu'un sujet pensant énonce à propos d'une perception ou d'une représentation de son esprit ».
C’est à partir de 1970 que les linguistes rendent compte de l’importance de cette notion de modalité dans le domaine de l’énonciation et de la pragmatique du langage. Ce terme de « modalité » est, par ailleurs, décrit par André Meunier (1974) comme « saturé d’interprétations qui ressortissent explicitement ou non, selon les linguistes qui l’utilisent, de la logique, de la sémantique, de la psychologie, de la syntaxe, de la pragmatique ou de la théorie de l’énonciation », dans la mesure où il a longtemps été utilisé de façon très différente ou complémentaire, sur le plan de son fonctionnement et de sa définition, dans des domaines aussi divers que la philosophie, la logique ou la grammaire. D’après le linguiste, la modalité regroupe trois grandes catégories : les modalités d’énonciation, les modalités d’énoncé et les modalités de message.
Dans un premier temps, on distingue trois modalités d’énonciation qui sont liées à l’emploi de marqueurs syntaxiques, typographiques et prosodiques indispensables à la construction des types de phrase assertif (ou déclaratif), interrogatif et injonctif (ou impératif). Elles sont définies par A. Meunier comme « se rapport[ant] au sujet parlant (ou écrivant). Elle intervient obligatoirement et donne une fois pour toutes à une phrase sa forme déclarative, interrogative ou impérative. [...]. Elle caractérise la forme de la communication entre Locuteur et Auditeur ». Autrement dit, leur rôle est de « refléter les trois comportements fondamentaux de l’homme parlant et agissant par le discours sur son interlocuteur : il veut lui transmettre un élément de connaissance, ou obtenir de lui une information, ou lui intimer un ordre » (E. Benvéniste, PLG), ce qui signifie que le locuteur ne peut choisir qu’une seule de ses réalisations, dans la mesure où ces modalités de phrase ne peuvent se combiner entre elles.
Ainsi, la phrase assertive ou le plus souvent appelée déclarative pose l’énoncé comme vrai, son rythme est ascendant (protase) avant d’être descendant (apodose) ; la phrase interrogative se reconnaît à l’écrit par la présence d’un point d’interrogation, qui se traduit, à l’oral, par un rythme ascendant et suppose une situation de communication entre deux locuteurs, dont le premier est le locuteur, le second l’interlocuteur ; la phrase injonctive (ou impérative) énonce un ordre à suivre et son rythme est descendant. Dans le cas de la phrase déclarative ou injonctive, le signe de ponctuation qui clôt l’énoncé peut être un point ou un point d’exclamation. Notons que la phrase exclamative est considérée comme une forme de phrase, puisqu’elle sert à traduire le sentiment du locuteur et qu’elle se combine à ces deux types de phrases. À cela, s’ajoutent les notions de dictum, « représentation reçue par les sens, la mémoire ou l’imagination », et de modus, « l’opération psychique du sujet pensant », que Bally oppose dans son étude sur les modalités : pour un même énoncé dont le contenu, le dictum, est identique, l’énonciation, le modus, peut être différent afin de rendre compte de l’attitude du sujet parlant. La phrase : « Il s’est enfin exprimé » présente le même énoncé que la phrase : « Enfin, il s’est exprimé ! », mais l’énonciation en est différente.
Ensuite, les modalités d'énoncé concernent la valeur logique de l’énoncé et peuvent être de trois ordres : aléthique (la nécessité), déontique (l’obligation) ou épistémique (la probabilité). Aussi caractérisent-elles, selon la définition de Meunier, « la manière dont le sujet de l'énoncé situe la proposition de base par rapport à la vérité, la nécessité (vrai, possible, certain, nécessaire et leurs contraires, etc.), par rapport aussi à des jugements d'ordre appréciatif (utile, agréable, idiot, regrettable...) ». Autrement dit, elles « renvoient « au sujet de l’énonciation en marquant son attitude vis-à-vis du contenu de l’énoncé. […] Elles expriment la manière dont l’énonciateur apprécie le contenu de l’énoncé » (GMF).
Enfin, les modalités de message impliquent l’étude du thème et du prédicat : c’est, pour Meunier, « un autre jeu d'options [qui] s'offre au locuteur qui peut « organiser l'information de son message » en établissant tel ou tel élément comme thème (défini un peu rapidement comme « ce qui vient en tête ») ».