Stendhal, Le Rouge et Noir

Né en 1783, de son vrai nom Marie-Henri Beyle, Stendhal se place, grâce à trois de ses romans – Le Rouge et le Noir, La Chartreuse de Parme et Lucien Leuwen malheureusement inachevé – dans le sillage des grands romanciers du XIX^e siècle aux côtés de Balzac, Hugo, Flaubert et Zola. Célèbre romancier, Stendhal nous a pourtant laissé des œuvres très variées : articles de journaux, autobiographie, essais, récits de voyage, correspondances, dissertations sur la musique et la peinture...

Fils d’un avocat de Grenoble, Stendhal a perdu à l’âge de 7 ans sa mère. En 1799, il monte à Paris pour poursuivre des études qu’il ne terminera pas. Engagé au Ministère de la guerre, Stendhal va partager l’intégralité de sa vie entre des amours tumultueux, de longs séjours professionnels essentiellement en Italie mais aussi en Allemagne ou en Autriche, des publications et surtout des périodes abondantes d’écriture. Nommé en 1810  inspecteur des Bâtiments et du Mobilier de la Couronne, vers 1821, il rentre à Paris presque ruiné après le décès de son père et se met alors pleinement à écrire notamment pour des revues britanniques. En 1830, il devient consul et repart pour l’Italie mais il s’ennuie dans cet emploi et prend dès 1836 un congé de trois ans pour écrire à nouveau. Après son retour à son poste, Stendhal revient à Paris en 1841 en congé maladie. Il meurt en 1842 laissant derrière lui de nombreux écrits dont une grande partie sera publiée à titre posthume.

Dernier né d’une famille de trois garçons, fils d’un charpentier et orphelin de mère, Julien Sorel est un jeune garçon intelligent et brillant. Fervent admirateur en secret de Napoléon, il rêve à son tour de s’élever dans la société et envisage pour cela d’embrasser une carrière ecclésiastique. Dans l’attente de son entrée au séminaire, l’abbé Chélan, son professeur, lui a trouvé un emploi de précepteur chez Monsieur de Rênal, le maire de la petite ville de Verrières. Sensible au charme de Madame de Rênal, Julien met tout en œuvre pour qu’elle cède à ses avances. Leur liaison perdure jusqu'au moment où ils sont dénoncés par une lettre anonyme ; Julien, aidé de l’abbé Chélan, part alors pour le séminaire de Besançon mais l’austérité de la vie religieuse ne lui plaît guère. Grâce à l’abbé Pirard, le directeur du séminaire, Julien est introduit à Paris comme secrétaire auprès du Marquis de la Mole dont la fille, Mathilde, s’éprend follement de lui. Lorsque Mathilde tombe enceinte, le Marquis anoblit Julien mais le père refuse le mariage après avoir reçu une lettre de Madame de Rênal. Fou de rage, le jeune homme retourne à Verrières pour tuer son ancienne maîtresse. Il tire en pleine messe mais sans gravement l’atteindre. Il est condamné à la guillotine. Madame de Rênal qui aime toujours profondément Julien et Mathilde qui porte son enfant ne pourront empêcher l’exécution. Madame de Rênal meurt de chagrin quelques jours après.

Sous-titré « Chronique de 1830 », Le Rouge et le Noir nous fait découvrir à travers l’ascension de son personnage principal la société du début du XIX^e. D'origine modeste, Julien gravit les échelons jusqu'à devenir Marquis et obtenir une lieutenance dans les hussards. De Verrières à Paris, en passant par le séminaire de Besançon, Julien navigue dans toutes les strates de la société : le monde rude ouvrier dont il est issu, celui corrompu de la bourgeoisie de petite Province avec Monsieur de Rênal, l’austérité et l’hypocrisie de la vie religieuse à Besançon, les conventions de la haute noblesse à Paris chez le Marquis de la Mole, l’inflexibilité de la justice. Si le personnage de Julien Sorel s’inspire d’un fait divers – la condamnation du séminariste Antoine Berthet qui avait tiré sur sa bienfaitrice, Julien est avant tout un enfant du début du siècle. Brillant et ambitieux, il croit pouvoir accéder à de hautes fonctions mais pour réussir, il comprend qu’il s’agit avant tout de protections et de manigances. Si ses objectifs s’ancrent dans la réalité, Julien n’en demeure pas moins un personnage au naturel romantique partagé entre impulsivité et calculs, hypocrisie et passion. En essayant de tuer Madame de Rênal, il fait voler en éclat sa situation sociale et son avenir, un geste follement romantique au nom du grand amour.