Le XVIIIe siècle est caractérisé par un mouvement appelé « Les Lumières » qui se diffuse partout en Europe dès la fin du XVIIe siècle et qui combat la notion d’obscurantisme. Cette forte volonté d’éclaircissement est conduite par des auteurs prônant l’esprit critique et la supériorité de la raison.
Très souvent appelé « Philosophie des Lumières », ce mouvement est représentatif de deux notions qui caractérisent le XVIIIe siècle : la philosophie qui souligne la nécessité d’un idéal humain et les Lumières qui soulignent l’importance accordée à la raison, à l’esprit capables d’ « éclairer » et de guider vers la vérité.
Les Lumières s’inscrivent dans un contexte historique et politique particulier. À la mort de Louis XIV, ses successeurs, Louis XV et Louis XVI, sont confrontés à l’incapacité de trouver des réformes pour moderniser l’Etat. La monarchie fait l’objet de vives critiques et la noblesse est déterminée à conserver ses privilèges. La Révolution industrielle ayant commencé en Angleterre, la population française reste en partie paysanne. Mais l’urbanisation et l’essor du commerce colonial et international permettent à la bourgeoisie de s’enrichir considérablement. Elle rejette les privilèges accordés à la noblesse et veut absolument prendre le pouvoir.
Le XVIIIe siècle est aussi synonyme de progrès. Les sciences se développent à mesure que grandit la connaissance du monde. Des inventions sont mises au point et ouvrent la voie à la révolution industrielle à venir - machine à vapeur… Les livres et les journaux sont les principaux moyens de diffuser les idées nouvelles, même si les salons restent parmi les endroits privilégiés pour faire circuler les informations.
Les philosophes des Lumières sont les héritiers des Humanistes de la Renaissance et les successeurs de l’honnête homme du XVIIe siècle en ce qu’il recherche un idéal humain. Dans l’Encyclopédie, l’esprit philosophique est défini comme « un esprit d’observation et de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes, mais ce n’est pas l’esprit seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention et ses soins » et le philosophe comme « un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile ». C’est avant tout un penseur qui prône la rigueur et l’esprit critique lorsqu’il observe ce qui l’entoure. Rien n’est laissé dans l’ombre : savoir, croyances, politique et injustices. Sa principale motivation est la raison, seule à même de porter un jugement. C’est aussi un être imaginatif qui parvient à convaincre facilement en mêlant raison et sentiments. Le philosophe est aussi un auteur engagé, qui se bat contre toute forme d’injustice en exprimant des idées parfois trop hardies, ce qui lui vaut les foudres de la censure et très souvent l’exil et l’emprisonnement comme ce fut le cas pour Rousseau, Voltaire et Diderot. Il veut dénoncer les superstitions et l’arbitraire, dans l’espoir d’un avenir meilleur libéré du fanatisme, des préjugés.
Les philosophes des Lumières observent tout ce qui parait contestable dans les domaines politique, religieux et social, et c’est à partir de leurs observations qu’ils dirigent leurs critiques. Par un esprit d’examen, ils passent en revue toutes les inégalités. Ils analysent la monarchie : Montesquieu en dresse une critique acerbe dans ses Lettres persanes (1721), dans De l’Esprit des lois (1748), et Voltaire s’y attache aussi dans ses Lettres Philosophiques (1734). Le pouvoir religieux, et notamment celui du roi et du Pape, n’échappe pas à leur esprit critique. L’intolérance et le fanatisme sont vivement dénoncés. C’est, par exemple, le cas dans Candide ou l’optimisme (1759) ou dans Le Traité sur la Tolérance (1763) de Voltaire. Rousseau et Beaumarchais dénoncent une société inégalitaire et s’opposent à toute forme de privilèges. L’usage de la raison remet en question toutes les autorités, politiques, religieuses et intellectuelles.
Après avoir observé tous les phénomènes, les philosophes optent pour une méthode expérimentale. Leur démarche est essentiellement pédagogique dans la mesure où leur principale motivation est de faire réfléchir. Toutes leurs œuvres s’orientent donc vers une fonction didactique. Leurs textes sont soigneusement construits selon une logique sans faille, aboutissant à une rhétorique persuasive qui fait appel au bon sens du lecteur.
Cette démarche, propre aux Lumières, était déjà perceptible, dès la fin du XVIIe siècle chez des auteurs comme Fontenelle ou Bayle. L’esprit des Lumières est surtout caractérisé par une lutte féroce contre l’obscurantisme. Ils veulent rejeter les modes de pensée peu rigoureux dont les croyances au merveilleux, les superstitions et les traditions. Ils veulent montrer que tout ce qui a été dit n’est pas forcément la vérité même si le plus grand nombre le croit. Ils rejettent la conception selon laquelle ce qui existe depuis longtemps est ce qu’il y a de mieux. Ils veulent montrer que la monarchie dite « de droit divin » et l’hérédité sont absurdes. Ils refusent l’idée que le pouvoir soit accordé à une minorité qui ne participe en rien au progrès du siècle.
Leurs principales cibles sont tout ce qui porte atteinte à la liberté et à la raison : inégalités, injustices, préjugés, despotisme, tyrannie, fanatisme, intolérance, privilèges, esclavage, torture… Leur idéal est incarnée par une société différente régie par les valeurs suivantes : la liberté de penser, la liberté d’expression, le choix de culte, l’éducation, la foi dans le progrès, le développement économique, le bonheur…
Intitulée aussi Dictionnaire raisonné des arts, des sciences et des métiers, l’Encyclopédie réunit la somme des idées des Lumières et apparaît comme une entreprise de vulgarisation scientifique. Elle est à l’initiative de Diderot et d’Alembert aidés, dans cette immense tâche, par de nombreux collaborateurs tels que Voltaire, Dumarsais, Rousseau, Condillac, Damilaville… Elle compte 28 volumes, plus de 60 000 articles et près de 3000 planches.
Elle répond à un triple objectif : classer les connaissances, faire connaître les changements et instruire. Elle passe en revue la somme des connaissances illustrées par des planches qui permettent de toucher le plus grand nombre. Elle propose aussi une réflexion critique propre à l’esprit philosophique. Les articles sont conçus de telle sorte que, plus qu’une définition, ils deviennent des armes au service de la dénonciation. Sa conception se heurte cependant à bien des difficultés dont l’emprisonnement de Diderot en 1749 mais aussi la condamnation par les Jésuites et le Parlement de Paris de l’Encyclopédie. En 1757, elle perd le privilège royal qui l’autorise à publier. Diderot et d’Alembert finissent par mettre un terme à leur collaboration en 1758. Mais M. de Malesherbes, directeur de la Librairie royale, permet aux auteurs de poursuivre leur entreprise qui sera achevée en 1772.
L’Encyclopédie n’est cependant pas la seule œuvre représentative des Lumières : le nombre de dictionnaires augmente, les pamphlets permettent d’attaquer de façon violente les institutions et les personnages publics, les essais et certains sous-genres tels que le traité ou le discours se concentrent sur des notions qu’ils analysent de façon méthodique ; le conte est aussi mis à contribution pour sensibiliser et éveiller les consciences aux problèmes politiques, sociaux et religieux.
Le théâtre joue un rôle considérable dans cet élan contestataire : les comédies de Marivaux dressent une satire sociale et politique. Le dialogue théâtral est l’occasion pour les laissés-pour-compte (esclaves, valets…) de s’exprimer. L’épistolaire est aussi un genre privilégié dans la mesure où la correspondance permet de poursuivre des échanges d’idées amorcés dans les salons. De nombreuses lettres, adressées aux hommes politiques sont polémiques et provoquent débats et réflexion. Le roman épistolaire permet parfois un échange d’idées encore plus pertinent et, comme la lettre fictive, favorise la critique : ce choix répond à un souci de prudence pour déjouer la censure.