1. Les années d’apprentissage de Wilhem Meister (Goethe, 1796)
Cette œuvre majeure de Goethe a été écrite en 1795-96. Première particularité : deux problèmes sont conjugués, la formation de soi et celle de la société. La réponse : ne pas défier la société, mais en surmonter les défauts. Wilhem Meister est le roman de la réconciliation du héros problématique avec la réalité sociale et avec l’action concrète. Cet accord ne résulte pas d’un compromis, mais d’un accomplissement vécu à travers l’expérience de l’échec. Le héros réalise ses aspirations à la culture (considérée comme le bien suprême, ce qui permet à l’homme de devenir humain) tout en reconnaissant la vacuité de ses aspirations premières. Il rejette le philistinisme bourgeois et se construit à travers diverses expériences dont celles du théâtre et de l’amour.
2. David Copperfield de Charles Dickens (1850)
Dickens a écrit là un roman autobiographique : il est rédigé à la première personne et raconte la naissance d’un écrivain. C’est aussi un véritable roman éducatif où prédomine la question du bonheur et qui suit les grandes étapes de la vie : enfance, adolescence, choix d’une carrière, mariage. Il oppose l’empire du mal et le royaume du bien, mais dépasse ce manichéisme.
Le mal est d’abord social : les institutions éducatives, la vie ouvrière forment un monde abêtissant. Le mal est dans les institutions (le collège des docteurs) et il est individuel : le héros rencontre des formes de séduction dégradées, notamment à travers la figure du libertin Steerforth. En face, se trouvent la figure angélique d’Agnès et le monde de la bonté. David évite la dégradation tout en la frôlant ; il n’est lié au mal que par son attrait pour Steerforth. Il apprend qu’on accède au monde du bien par l’acceptation de soi et la simplicité, l’effort moral et l’énergie. Le bonheur se conquiert par la vertu, alors que certains personnages (les « simples » comme Pegotty) ont accès de plain-pied au bonheur.
3. L’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert (1869)
Nous sommes dans ce que Lukacs appelle « le romantisme de la désillusion ». L’âme se croit plus grande que tout ce que la vie peut lui offrir. Le héros pose comme un a priori sa richesse face au monde, mais il ne parvient jamais à faire la preuve de l’excellence de son intériorité. D’où la forme du roman : une nébuleuse d’états d'âme. L’histoire se délite. La subjectivité impuissante subit le temps. L’action est centrée sur ce combat contre la puissance du temps. Flaubert réussit un tour de force en donnant forme à l’absence totale de réalisation d’un sens.