Définition : Trois termes entrent en concurrence dans ce domaine : le roman d’apprentissage ou d’éducation, le Bildungsroman en allemand. Les trois termes ne sont pas équivalents, mais ils ont en commun de désigner un genre de roman qui raconte le trajet d’un individu dans un monde concret qu’il apprend à connaître et, en même temps, où il apprend à se reconnaître.
La question centrale de ce genre de roman est celle du bonheur : l’homme n’est pas heureux tant que subsiste un antagonisme entre la poésie du cœur et la prose du monde. Il s’agit de trouver des limites à ses aspirations pour mieux s’affranchir. Lukàcs a donné du roman une théorie essentielle pour comprendre ce genre : le sens de la vie est devenu un problème ; le héros est confronté à la contingence du monde et fait l’expérience de sa solitude.
Historiquement, ce type de roman est à relier à « l’avènement du moi » (Gusdorf) entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Plus précisément, la notion de « Bildung » est élaborée philosophiquement au XVIIIe en Allemagne dans le mouvement critique qui va de Kant à Hegel.
Pour Hegel, la conscience de soi se conquiert au terme d’un processus (la « Bildung »). Le roman de formation commence avec Goethe (Wilhem Meister est le modèle du genre) et existe jusqu’au XXe, si l’on prend l’expression au sens large (avec Voyage au bout de la nuit, Les Cloches de Bâle ou le Zeitroman (roman du temps) comme La Recherche du temps perdu, Ulysse ou La Montagne magique).
On peut donc considérer qu’il existe des romans d'apprentissage en dehors du domaine allemand et au-delà de l’époque de la Bildung, mais il y a là une sorte d’abus de langage.
Structure : Trois points essentiels : le héros, le temps, le monde. Le héros est problématique (contrairement à celui du roman de voyage par exemple). Le point central est la position du sujet par rapport à sa vie. L’invention décisive du roman d'apprentissage est le temps psychologique : il y a une historicité de l’individu et donc le temps joue un rôle essentiel dans le roman.
Le monde existe surtout en tant que représentations : le héros arrivera-t-il à changer le monde, à avoir prise sur lui ? L’apprentissage en question passe par une expérience sociale (comme celle du théâtre dans Wilhem Meister), une expérience amoureuse, religieuse ou l’expérience de la paternité, autant de situations qui transforment le héros.
Mais l’essentiel est moins l’expérience en elle-même que la compréhension, la connaissance profonde du monde qui en résulte. Les conjonctures et les rencontres jouent un rôle central. Au terme de l’apprentissage, l’individu est réconcilié avec le monde et avec l’action, il appartient à une communauté concrète.