Créé en 1977 par Serge Doubrovsky, critique littéraire et romancier, pour désigner son roman Fils, la catégorie de l’autofiction se définit comme un « pacte oxymorique » qui lie deux pactes antithétiques : un pacte autobiographique (l’auteur se déclare explicitement narrateur et personnage, et s’engage à dire la vérité) et un pacte romanesque (le livre sous-titré « roman » écarte tout rapport avec le réel). On pourrait alors poser comme roman fondateur La Recherche de Marcel Proust, dans lequel celui-ci se met en scène sous le prénom Marcel, mais en taisant l’existence de son frère, et en travestissant son homosexualité (Alfred Agostinelli, son amant, devient Albertine). Ainsi, chez Marguerite Duras dans L’Amant, L’Amant de la Chine du Nord, dans lesquels elles relate son amour pour son amant chinois, mais en variant à chaque fois l’histoire, Alain Robbe-Grillet dans sa trilogie des Romanesques (1985-1994), Christine Angot dans Vu du ciel (1990), Léonore, toujours (1994), L’Usage de la vie (1998) ; Amélie Nothomb dans Pétronille par exemple (2014), récit dans lequel elle relate son amitié avec une de ses lectrices et qui s’achève par la mort de l’auteure.

L’autofiction se distingue du roman autobiographique de manière nuancée. Dans le roman autobiographique, l’auteur, dont le nom diffère de celui du personnage-narrateur, convoque dans sa diégèse, dans son histoire, des évènements vécus afin de tisser sa fiction, alors que, dans l’autofiction, l’auteur se met explicitement en scène et se crée une nouvelle vie qui s’écarte à un moment de sa vie réelle. Mais les limites entre fiction et réel sont poreuses. Serge Doubrovsky précise alors : « L’autofiction c’est la fiction que j’ai décidée, en tant qu’écrivain de me donner à moi-même et par moi-même, en y incorporant au sens plein du terme, l’expérience du vécu, non seulement de la thématique, mais dans la production du texte ». Ainsi, le critique Gérard Genette, se fondant sur l’identité nominale entre auteur et narrateur, distingue deux types d’autofiction : d’un côté « les vraies autofictions dont le contenu narratif est, si je puis dire, authentiquement fictionnel », de l’autre, les « fausses autofictions » qui « ne sont fictions que pour la douane : autrement dit, autobiographies honteuses », « entreprise boiteuse ».