Le roman à thèse est une invention narrative assez récente, du XIXe siècle, même si La Religieuse (roman rédigé vers 1780, 1796, posthume) de Denis Diderot (1713-1784) peut passer pour ses prémisses, tant sa charge anticléricale est forte, ce roman-mémoire relatant la destruction psychologique et physique de Suzanne Simonin, placée au couvent par ses parents, et qui finira par s’en échapper, à force d’humiliations et de sévices.
L’expression « roman à thèse » a le plus souvent une résonance péjorative, la fiction n’entend développer uniquement que pour « illustrer » le bien-fondé d’une thèse idéologique, « qui se signale au lecteur principalement comme porteur d’un enseignement, tendant à démontrer la vérité d’une doctrine politique, philosophique, scientifique ou religieuse [...], il est toujours possible d’en extraire une maxime ayant une portée générale ». Deux traits définissent ce type de roman : l’opposition de deux systèmes de valeur et l’incitation, pour le lecteur, à ressentir de l’aversion pour l’un des deux systèmes. La lecture doit créer sur le lecteur un effet qui n’est pas de l’ordre de la seule approbation d’une thèse ; mais de l’ordre de la conversion que le récit à thèse doit conduire.
Cette approche romanesque, pendant du théâtre à thèse (Camus et Sartre en sont les deux grands représentants narratifs et dramatiques, avec L’Étranger (1942) et La Peste (1947) pour le premier, La Nausée (1938) et Les Chemins de la liberté pour le second), ne va pas sans critique : cette forme soumettrait trop brutalement le lecteur à une idéologie, sans le laisser être un lecteur actif.